Aujourd’hui, je vous propose tout d’abord une interview de l’illustratrice Emmanuelle Tchoukriel, qui vient de sortir le très beau Rêve d’oiseau à l’Atelier des nomades, puis c’est l’auteur Yves-Marie Clément qui nous livrera ses coups de cœur et coups de gueule. Bon mercredi à vous !
L’interview du mercredi : Emmanuelle Tchoukriel
J’aimerais que vous nous disiez quelques mots sur Rêve d’oiseau, qui vient de sortir à l’Atelier des nomades.
Cet album écrit par Shenaz Patel parle des idéaux qu’on a enfant, de l’amour entre une petite fille et son grand-père, de liberté. L’histoire se passe à l’île Maurice et à l’île aux Cocos, une île peuplée d’oiseaux dans l’océan indien.
Avez-vous fait des recherches pour ce livre ?
J’ai fait quelques recherches documentaires pour voir à quoi ressemblent les oiseaux cités par Shenaz, mais le gros travail de recherche a surtout été graphique, pour trouver les décors, le personnage de Sara, la composition des images. J’avais déjà été à l’île Maurice donc j’avais quelques atmosphères en tête.
Pour l’anecdote, je vous avais découverte avec un autre livre sur les oiseaux, Inventaire illustré des oiseaux sorti chez Albin Michel… une passion pour les oiseaux ?
J’aime beaucoup les oiseaux, je prends plaisir à dessiner les plumages et le mouvement du vol. Mais de façon générale j’adore dessiner les animaux !
Quelles techniques d’illustration utilisez-vous ?
Pour l’album Rêve d’oiseau, j’ai dessiné à la plume et à l’encre de Chine tous les traits, puis j’ai fait la mise en couleur à l’ordinateur.
Sinon dans mes ouvrages plus documentaires comme la série des Inventaires illustrés je travaille uniquement en traditionnel avec du rotring et de l’aquarelle.
Il m’arrive aussi d’utiliser le feutre comme dans l’album Nos saisons.
Dans tous les cas, j’ai besoin d’avoir au moins une partie du dessin faite « à la main » !
Pour cet album-là vous illustrez le texte de Shenaz Patel, comment s’est passé la collaboration ?
J’avais déjà illustré son Bestiaire mauricien paru chez l’Atelier des nomades en 2017. Pour le lancement de ce précédent livre, j’ai été invitée par l’éditrice, Corinne Fleury, à l’île Maurice et c’est à ce moment que nous avons réellement fait connaissance avec Shenaz. Je suis restée plusieurs jours sur place et Shenaz a eu la bonté de me faire découvrir son île, les lieux et des personnes qui lui sont chers, j’ai vécu des moments très intenses grâce à elle, et je suis repartie en gardant tout ça précieusement dans mon cœur. Aussi lorsque l’éditrice m’a proposé d’illustrer ce texte j’ai immédiatement accepté car il m’a replongé dans des discussions et des souvenirs partagés avec Shenaz. Je la remercie d’ailleurs pour sa totale confiance dans la réalisation des images.
Comment choisissez-vous vos projets ?
Cela paraît bateau mais il faut que je puisse rapidement visualiser si ce n’est des images au moins une ambiance. Certains sujets ou thèmes ne parleront pas.
La plupart du temps pour les livres que j’illustre j’ai déjà une relation de confiance avec l’autrice (je m’aperçois en écrivant que je n’ai travaillé qu’avec des femmes !). Par exemple je travaille souvent avec Virginie Aladjidi elle sait me proposer un texte qui me collerait, qu’on présente ensuite à un éditeur. C’est un aspect du travail qui me plait beaucoup, car cela va au-delà de la simple commande.
Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Après mon bac Arts Appliqués j’ai fait un BTS communication visuelle. Je n’étais pas très à l’aise dans ce domaine car je souhaitais davantage dessiner, alors j’ai terminé mes études par un DSAA en illustration médicale et scientifique à l’école Estienne. En sortant de cette formation j’ai laissé tomber le côté médical pour proposer des dessins souvent précis et documentés sur le thème de la nature à différents clients (parcs naturels, presse, organismes publics…) et je me suis aussi tournée en parallèle vers l’édition jeunesse.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Un de mes livres préférés était La grosse bête de Monsieur Racine de Tomi Ungerer. J’adorais aussi les livres de Agnès Rosenstiehl, ses Larousse des tout-petits, les Mimi cracra… Il y avait également La maison hantée de Jan Pienkowski. Et des magazines Belles histoires, Astrapi, Wapiti…
Ado je reste marquée par La première fois que j’ai eu 16 ans de Susie Morgenstern, le Journal d’Anne Frank, Si c’est un homme de Primo Lévi, les Malaussène de Daniel Pennac. Sinon j’ai lu et relu Adèle Blanc-Sec de Tardi et les Gaston Lagaffe de Franquin, qui étaient mes personnages de BD préférés.
Sur quel nouveau livre travaillez-vous actuellement ?
Un merveilleux livre documentaire en préparation chez Albin Michel jeunesse avec Virginie Aladjidi et Caroline Pellissier.
Bibliographie sélective :
- Rêve d’oiseau, illustration d’un texte de Shenaz Patel, Atelier des nomades (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Le livre aux petites bêtes, album, illustration d’un texte de Nathalie Tordjman, Belin Jeunesse (2018).
- Le spectacle de la nature : la forêt, illustration d’un texte de Caroline Pellissier et Virginie Aladjidi, Albin Michel Jeunesse (2017).
- Inventaire illustré de la montagne, illustration d’un texte de Virginie Aladjidi, Albin Michel Jeunesse (2016).
- Bestiaire Mauricien, illustration d’un texte de Shenaz Patel, Atelier des nomades (2016).
- Au bord de la mer, illustration d’un texte de Caroline Pellissier et Virginie Aladjidi, Albin Michel Jeunesse (2016).
- Inventaire illustré des fleurs, illustration d’un texte de Virginie Aladjidi, Albin Michel Jeunesse (2016).
- Nos saisons, illustration d’un texte de Caroline Pellissier et Virginie Aladjidi, Nathan (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Envole-toi, illustration d’un texte de Caroline Pellissier et Virginie Aladjidi, Thierry Magnier (2014).
- Le spectacle de la nature : la montagne, illustration d’un texte de Caroline Pellissier et Virginie Aladjidi, Albin Michel Jeunesse (2015).
- La campagne, illustration d’un texte de Caroline Pellissier et Virginie Aladjidi, Albin Michel Jeunesse (2015).
- Inventaire illustré des oiseaux, illustration d’un texte de Virginie Aladjidi, Albin Michel Jeunesse (2015).
- Mon coffret Montessori des animaux, illustration d’un texte d’Ève Herrmann, Nathan (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Inventaire illustré des records de la nature, illustration d’un texte de Virginie Aladjidi, Albin Michel Jeunesse (2014).
- Mon imagier Montessori, illustration de texte d’Ève Herrmann, Nathan (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Inventaire illustré des insectes, illustration d’un texte de Virginie Aladjidi, Albin Michel Jeunesse (2013).
- C’est moi le cuisinier ! Je m’amuse à décliner les recettes de 1001 façons, illustration de recettes d’Olivier Chaput, Eyrolles (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Peaux, illustration d’un texte de Caroline Pellissier et Virginie Aladjidi, Thierry Magnier (2008).
Le coup de cœur et le coup de gueule de… Yves-Marie Clément
Régulièrement, une personnalité de l’édition jeunesse (auteur·trice, illustrateur·trice, éditeur·trice…) nous parle de deux choses qui lui tiennent à cœur. Une chose qui l’a touché·e, ému·e ou qui lui a tout simplement plu et sur laquelle il·elle veut mettre un coup de projecteur, et au contraire quelque chose qui l’a énervé·e. Cette semaine, c’est Yves-Marie Clément qui nous livre ses coups de cœur et ses coups de gueule.
Coup de gueule
Difficile, par les temps qui courent, de choisir dans l’éventail de mes coups de gueule.
Allez, je ne suis pas misanthrope, mais aujourd’hui, râlons contre l’espèce humaine, Homo sapiens. L’espèce qui a réussi. Parcours sans faute depuis le Paléolithique, Homo sapiens a effacé tout le monde sur son passage : Néandertal, l’homme de Desinova, l’homme de Flores… tous disparus. Sauf lui.
Et ça continue. Nos proches cousins les grands singes disparaissent. On dévore leurs biotopes. Orang-outan, gorille, chimpanzé, bonobo, on grignote la forêt à grand coups de tractopelle. En France, ce n’est pas mieux, chaque année, on tue renards et blaireaux par centaines de milliers. Il paraît que ce sont des nuisibles. On limite la progression du loup. On se sert allègrement dans l’Océan. Nos politiques tiennent de beaux discours sur la sauvegarde de la planète. Pathétique, dans le même temps, on baptise à Concarneau un chalutier capable de pêcher 200 tonnes de poissons par jour. Les équilibres environnementaux sont fragilisés, invasion d’espèces exotiques, naissance de nouveaux virus. Il n’y a plus de place pour les espaces sauvages, pourtant nécessaires à la continuité de la vie. Nous modelons, nous transformons, nous détruisons pour notre simple confort. À tel point que des géologues affirment que nous sommes entrés dans une nouvelle période géologique, « l’anthropocène ». « une époque de l’histoire de la Terre qui a été proposée pour caractériser l’ensemble des événements géologiques qui se sont produits depuis que les activités humaines ont une incidence globale significative sur l’écosystème terrestre », Wikipédia. Les conséquences de nos agissements sont dramatiques. Pourtant, cela fait des décennies que l’alerte est donnée !
Le coronavirus, par exemple… voilà ce que j’écrivais il y a quelques années : « Nous voyageons plus, certaines peuplades chassées par les guerres, la faim et la soif, entrent désormais en contact avec des animaux, réservoirs sauvages restés jusqu’à présent inaccessibles. Ces contacts avec ces porteurs de virus jusqu’ici inoffensifs pour l’homme peuvent entraîner des infections humaines d’une gravité sans égale (…). Quant aux virus, ils évoluent par mutations, réarrangements ou combinaisons. La souplesse de leur génome leur permet de déjouer nos défenses naturelles et de s’adapter à notre incroyable polymorphisme génétique. (…) Les fièvres hémorragiques se sont multipliées, les grippes aviaire et porcine ont fait trembler le monde. Les virus sont nos plus grands ennemis ! Ils pourraient supprimer en quelques semaines les 9/10 èmes de l’humanité. » (NDLR : extrait de Le réveil de Zagapoï, éditions du Muscadier, 2017)
Un dernier mot : à lire (relire) absolument, « Et si l’aventure humaine devait échouer », Théodore Monod.
Coup de cœur
Un grand coup de cœur (justement) pour une association qui lutte inlassablement pour la préservation des Océans : l’association Bloom, fondée en 2005 par Claire Nouvian. Voici comment ses membres la présentent :
« BLOOM est entièrement dévouée aux océans et à ceux qui en vivent. Notre mission est d’œuvrer pour le bien commun en créant un pacte durable entre l’homme et la mer.
Nos objectifs sont de protéger l’océan et les espèces marines tout en maximisant les emplois durables dans la pêche et l’aquaculture. Nos priorités sont de mettre fin aux méthodes de pêche destructrices et à l’expansion de la pression de pêche dans le monde, de protéger le milieu marin et d’en préserver sa résilience tout en cherchant à favoriser la pêche artisanale utilisant des méthodes douces pour l’environnement et fortement génératrices d’emplois. »
Actuellement, Bloom mène un combat acharné contre la pêche électrique que les Pays-Bas continuent de pratiquer.
Une association efficace, à suivre, à encourager, à soutenir…
Yves-Marie Clément est auteur.
Bibliographie sélective :
- Angelina et June, roman, Talents Hauts (2020).
- Qui veut la peau de l’anaconda ?, roman, Syros (2020).
- Le gecko vert de Manapany, roman, éditions du Pourquoi pas (2020).
- Ronarou, roman, Kilowatt (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Juliette et Roméo, roman, le Muscadier (2019).
- Papi 1er roi des épices, roman co-écrit avec Nathalie Clément, éditions du Pourquoi pas (2019).
- La lionne, le vieil homme et la petite fille, roman co-écrit avec Nathalie Clément, éditions du Pourquoi pas (2019), que nous avons chroniqué ici.
- L’or assassin, roman co-écrit avec Nathalie Clément, éditions des falaises (2018).
- Moins que rien, roman, Talents hauts (2018).
- Journal de ma nouvelle vie, roman, Nathan (2017).
- Attila le maudit, roman, SEDRAP (2017).
- Le réveil de Zagapoï, roman, Le Muscadier (2017).
- Ni lire, ni écrire, roman, Kilowatt (2017).
- Et toi, tu manges quoi ?, roman, éditions du Pourquoi pas (2017).
- La reine des coquillages, roman, éditions du Pourquoi Pas (2017).
- Quelque chose a changé, roman, éditions du Pourquoi pas (2017).
- Terminal 2A, roman co-écrit avec Nathalie Clément, éditions des falaises (2017).
- La peau noire des anges, roman, le Muscadier (2016).
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !