Aujourd’hui, je vous propose tout d’abord une interview du grand illustrateur Quentin Gréban, qui vient de sortir le magnifique Amoureux chez Mijade, puis c’est un auteur qu’on aime beaucoup qui nous livrera ses coups de cœur et coups de gueule, Gilles Baum. Bon mercredi à vous !
L’interview du mercredi : Quentin Gréban
Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Je dessine depuis toujours… déjà in utero.
Je n’ai jamais lâché mon crayon. Des cours de dessin à 10 ans les mercredis après-midi puis à 18 ans, je suis trois ans de cours d’illustrations à l’institut Saint-Luc de Bruxelles.
Un premier projet avec les éditions Mijade directement à la sortie des cours qui sera suivi de 80 autres…
Vous venez de sortir le magnifique (et le mot est faible) Amoureux, parlez-nous de ce projet ?
Le thème de l’amour n’est qu’un prétexte pour réaliser des portraits… de même que celui des mamans auparavant. J’aime les portraits ! J’ai réalisé les dessins avant qu’Hélène n’écrive les textes. Je n’avais donc aucune contrainte narrative. Juste des inspirations esthétiques. Un même couple peut être dessiné au 16e siècle ou en 1920 en fonction de mon envie de dessiner ceci ou cela comme décors, comme habits. Le moment humain qu’elle est en train de vivre (séparation ? Premier baiser ?) est transposable car toujours d’actualité aujourd’hui.
Juste du plaisir et de la liberté totale donc. Ensuite Hélène a fait un formidable travail d’écriture pour donner du sens et de la profondeur à mes préoccupations esthétiques.
Quelles techniques d’illustrations utilisez-vous ? Est-ce la même suivant les projets ?
Oui, il s’agit d’un croquis au crayon et d’une mise en couleur à l’aquarelle.
J’utilise aussi depuis quelque temps la tablette numérique pour des esquisses couleur, pour les recherches. Mais jamais pour la réalisation finale qui reste « à la main ».
Où trouvez-vous l’inspiration ?
Elle est partout autour de moi, il n’y a qu’à se pencher et ramasser.
Mon inspiration est toujours au départ d’un désir esthétique (un papier peint à motif, un ciel d’orage,…). L’histoire nait de l’univers que j’ai envie de dessiner. De l’esthétique dans laquelle j’ai envie de me plonger.
Vous avez illustré plusieurs contes classiques (Peter Pan, Pinocchio, Le livre de la jungle…), si vous aviez carte blanche pour illustrer le conte de votre choix (et que vous n’avez pas fait), lequel choisiriez-vous ?
Je referais (et je referai !!!) Pinocchio 🙂
Sinon… Alice, Le magicien d’Oz…
La liste est longue et se rallonge avec le temps !
Comment choisissez-vous vos projets ?
À l’inspiration… j’ai cette chance de ne pouvoir écouter que mes envies et d’avoir un éditeur qui me suit. Il n’y a bien sûr pas de plus belle manière de vivre ce métier.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent ?
J’étais assez peu lecteur de romans ado. La lecture n’était pas vraiment un plaisir. C’est venu à l’âge adulte. Si j’avais eu la chance de vivre à une époque où Harry Potter était en librairie, cela aurait sans doute changé mon destin de lecteur comme cela a changé celui de tant d’enfants.
Enfant c’est la BD qui me plaisait plus.
Pas d’albums illustrés comme j’en réalise à présent.
Ma culture de l’album jeunesse a été faite adulte autour d’illustrateurs dont le travail m’inspirait.
Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Un projet secret 😉
Bibliographie sélective :
- Amoureux, illustration de textes d’Hélène Delforge, Mijade (2020).
- Charlie, texte et illustrations, Mijade (2019).
- Quand je serai grand.., texte et illustrations, Mijade (2018).
- Maman, illustration de textes d’Hélène Delforge, Mijade (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Un drôle de papa, illustration d’un texte d’Agnès de Lestrade, Lito (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Un jour je serai Pompier, texte et illustrations, Mijade (2017).
- Le Livre de la jungle, illustration d’un texte de Rudyard Kipling, Mijade (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Petit Indien, texte et illustrations, Mijade (2016).
- Peter Pan, illustration d’un texte de James Matthew Barrie, Mijade (2014).
- Pinocchio, illustration d’un texte de Carlo Collodi, Mijade (2010).
Retrouvez Quentin Gréban sur son site : https://www.quentingreban.be.
Le coup de cœur et le coup de gueule de… Gilles Baum
Régulièrement, une personnalité de l’édition jeunesse (auteur·trice, illustrateur·trice, éditeur·trice…) nous parle de deux choses qui lui tiennent à cœur. Une chose qui l’a touché·e, ému·e ou qui lui a tout simplement plu et sur laquelle il·elle veut mettre un coup de projecteur, et au contraire quelque chose qui l’a énervé·e. Cette semaine, c’est Gilles Baum qui nous livre ses coups de cœur et ses coups de gueule.
Cher Gabriel,
Tu m’invites, me relances et j’en suis heureux. Tu voudrais un coup de gueule et un coup de cœur, juste ça ; pour moi qui râle sans cesse et qui m’emballe si souvent d’un rien, cela devrait être facile et pourtant l’exercice me laisse atone. En fait je ne sais que choisir, où piocher, dans le très sérieux ou le dérisoire, le glauque ou le déjanté, l’universel ou le tout intime. Je ne voudrais pas que mes choix plombent tes lecteurs, je ne voudrais pas non plus gâcher cet espace que tu m’offres car il est précieux, je ne voudrais surtout pas donner dans l’autocentré.
Ce soir j’ai décidé de m’y mettre, de rendre ma copie, alors coup de gueule et coup de cœur seront une photo du soir, ou plutôt deux captures d’écran.
Je viens de (re)découvrir Dadaab. C’est l’un des plus grands et plus anciens camps de réfugiés du monde, près de 30 ans d’existence mais ce mot-là est-il vraiment bien choisi ? Au fil des lectures, des reportages, malgré l’énergie incroyable de ces hommes et de ces femmes qui s’accrochent, se battent, résistent, construisent, deviennent entrepreneurs, professeurs ou commerçants dans cette enceinte grillagée qui devient quartier, ville, place économique, je réalise que désormais des gens vont naître, vivre et mourir dans un camp de réfugiés. Naître, vivre et mourir dans une prison.
À trois clics de là, mind the gap, c’est le No Trousers On The Tube Day. Des centaines de Londoniens se promènent dans le métro sans pantalon pour jouir de cette liberté et s’amuser de la réaction des passants. J’imagine chacun d’entre eux, le matin dans le dressing, la salle de bain, devant la commode. Comment choisit-on son caleçon pour une telle occasion ? Combien d’entre eux, d’entre elles, ont acheté une culotte neuve juste pour ce grand jour ? J’aurais aimé être des leurs, je crois que j’en suis capable aujourd’hui, j’oserais. Et j’aurais mis mon caleçon Shaun le mouton pour aller sourire dans la foule de janvier. J’aurais pris la ligne Bakerloo pour aller jusqu’à la station Elephant and Castle. Avec un nom pareil, on peut croire que le métro va continuer, que la ligne va traverser la Manche, l’Europe, atteindre l’Afrique, rejoindre le Kenya, et à bout de souffle, venir s’échouer à Dadaad ou des centaines de gens en slips et des milliers de gens constitués de peu de chair, d’eau et de rêves trouveront bien des choses à se dire une fois la longue étreinte posée.
Enfin…
J’dis ça j’fais rien.
Je m’effraie, je tourbillonne, j’écris.
Je râle et m’emballe d’un rien.
Bibliographie sélective :
- Maløk, album illustré par Rémi Saillard, Gautier Languereau (2019).
- Furio, album illustré par Chiara Armellini, Les éditions des éléphants (2019), que nous avons chroniqué ici.
- La nuit des géographes, roman, Amaterra (2019).
- Mon grand-père s’efface, album illustré par Barroux, Albin Michel Jeunesse (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Le dernier clou du cheval de Troie, album illustré par Alice Beniero, Amaterra (2019).
- Palmir, album illustré par Amandine Piu, Amaterra (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Le piège parfait, album illustré par Matthieu Maudet, Seuil Jeunesse (2017).
- D’entre les ogres, album illustré par Thierry Dedieu, Seuil Jeunesse (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Le grand incendie, album illustré par Barroux, Les éditions des éléphants (2016).
- Le totem, album illustré par Thierry Dedieu, Seuil Jeunesse (2016).
- Camille est timide, album illustré par Thierry Dedieu, Seuil Jeunesse (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Le baron bleu, album illustré par Thierry Dedieu, Seuil Jeunesse (2014).
- Pousse Piano ou la symphonie des nouveaux mondes, album illustré par Rémi Saillard, Le Baron Perché (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Série La nature te le rendra, albums illustrés par Thierry Dedieu, GulfStream Éditeur (2012-2014), que nous avons chroniqué ici et là.
- Un royaume sans oiseaux, album illustré par Thierry Dedieu, Seuil Jeunesse (2013).
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !