Pour la sixième année, cet été encore, on vous propose une rubrique que vous aimez beaucoup (et nous aussi !), Du berger à la bergère. Tous les mercredis jusqu’à la rentrée, ce sont des auteur·trices et des illustrateur·trices qui posent trois questions à une personne de leur choix. Puis c’est à l’interviewé·e de poser trois questions à son tour à son intervieweur·euse d’un jour. Après Elsa Oriol et Marie Sellier, cette semaine c’est au tour de Gaël Aymon qui a choisi de poser ses questions à Sandrine Beau.
Gaël Aymon : Bonjour Sandrine ! Tu écris tes manuscrits à la main, ce qui m’a toujours impressionné. Que t’apporte cette manière de faire que l’ordinateur ne te permettrait pas ?
Sandrine Beau : Hello Gaël ! C’est drôle que ça t’impressionne. On a tous commencé à écrire sur du papier, pourtant !
Je ne sais pas exactement ce que m’apporte l’écriture à la main, mais c’est le geste d’écriture qui m’est le plus naturel.
J’adore écrire sur des cahiers, que je choisis avec soin à chaque nouveau roman. J’aime quand mon crayon glisse sur les pages. C’est une sensation que je trouve assez sensuelle.
Et lors de l’étape suivante — le passage au traitement de texte —, j’ai l’impression de mieux voir les défauts de mon texte et de pouvoir mieux l’améliorer grâce à ce premier jet manuscrit.
Gaël Aymon : Lorsque tu écris, es-tu un peu tous tes personnages à la fois, ou te places-tu plutôt comme l’observatrice de cobayes humains que tu regarderais vivre ? Si tu préfères, es-tu plutôt metteuse en scène ou actrice multiforme ?
Sandrine Beau : Je me sens plus « actrice multiforme », comme tu dis !
À chaque nouvelle histoire, j’ai l’impression de me glisser dans la peau de mes personnages et c’est presque comme s’ils guident ma main et mon cerveau. C’est d’ailleurs pour ça que mes romans ne sont jamais exactement ce que j’avais prévu et qu’ils ne ressemblent pas au synopsis initial de mon histoire. Comme si mes personnages prenaient le pouvoir et m’emmenaient là où ils le veulent.
Ce qui est chouette, c’est qu’en écrivant mes romans, j’ai l’impression de vivre mille vies que je n’aurais jamais pu vivre en une seule !
Gaël Aymon : Pour finir, quel aspect de ce métier t’est le plus essentiel, et lequel est celui dont tu te passerais volontiers ?
Sandrine Beau : Le plus essentiel ? Ce sont les moments de création.
Ces moments où je commence à avoir une idée qui me tournicote dans la tête, ceux où j’y réfléchis presque tout le temps (en me couchant, pendant ma douche, quand j’épluche des légumes…), ceux où je commence à tricoter les bases de mon histoire et puis bien sûr, ceux où je m’installe dans un endroit confortable avec mon cahier et mon crayon, pour démarrer mon histoire.
Celui dont je me passerais volontiers ? Tout le temps de négociation avec les éditeurs.
J’ai envie d’avoir les meilleures conditions possibles pour exercer mon métier de la meilleure façon possible. Pour parvenir à obtenir cela, il faut dépenser beaucoup de temps et d’énergie. Et j’avoue que ce temps, je préfèrerais le consacrer à des choses qui m’excitent plus !
Voilà Gaël !
Merci pour tes questions !
Maintenant, à toi de passer sur le grill :
Sandrine Beau : Tu es comédien. Est-ce que tu penses que ça a une influence sur ton écriture ?
Gaël Aymon : On me pose souvent cette question. J’en garde peut-être une manière d’investir les personnages. Être auteur est très libérateur, puisqu’on peut absolument tout jouer ! Rendre les personnages vivants est en tous cas mon souci principal, pas me mettre en avant au travers d’un style visiblement brillant. Mais n’est-ce pas le cas de beaucoup d’auteurs ?
Sandrine Beau : Ce que j’aime beaucoup dans ton écriture, c’est sa sensualité. Est-ce que cet aspect de ton écriture te vient naturellement ? Te replonges-tu dans le Gaël que tu étais, ado ? Bref, comment procèdes-tu ?
Gaël Aymon : Merci ! Ce n’est pas tous les jours qu’on me félicite sur ma sensualité ! En tous cas, la sensualité des mots et des sonorités est essentielle pour moi. Plus je vieillis, moins le Gaël ado est proche. Je ne compte pas sur lui pour m’aider. La sensualité (pas uniquement charnelle) des personnages va sans doute avec ce souci de rendre vivants des personnages de papier. Pour le roman Golden Valley, que je voulais très sensuel, je me souviens m’être beaucoup attaché à décrire les sensations du héros par ses cinq sens. Pour plonger davantage le lecteur dans son corps que dans sa psychologie.
Sandrine Beau : Enfin, écris-tu longuement un scénario ou pars-tu, bille en tête et un peu à l’aveuglette, une fois que tu es sûr d’avoir LA bonne idée ?
Gaël Aymon : Jamais à l’aveuglette et jamais sûr d’avoir LA bonne idée ! Je doute jusqu’au bout, et l’écriture est souvent une forme de torture pour moi. C’est le moment de création que j’aime le moins. Donc, soit le déroulé existe dans ma tête presque entièrement avant que je commence à écrire — mais ça peut prendre longtemps — soit, comme j’essaie de le faire maintenant sur des récits longs et complexes, je dresse longuement un plan détaillé avant de me lancer. Mais je cherche encore ma méthode idéale. Elle évolue sans cesse.
Bibliographie sélective de Gaël Aymon
- La belle au bois dormant, album illustré par Sébastien Pelon, Nathan (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Silent Boy, roman, Nathan (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Et ta vie m’appartiendra, roman, Nathan (2020).
- Série Les grandes années, romans illustrés par Élodie Durand, Nathan (2017-2020), que nous avons chroniqué ici.
- La belle et la bête aux larmes de diamants, album illustré par Anna Griot, Gautier Languereau (2019).
- La planète des dormants, roman, Nathan (2018).
- Blanche-Neige, album illustré par Peggy Nille, Nathan (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Mon âme frère, roman, Actes Sud Junior (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Golden Valley, roman, Gallimard Jeunesse (2016)
- L’anniversaire à l’envers, roman illustré par Caroline Modeste, Talents Hauts (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Ma réputation, roman, Actes Sud Junior (2013)
- Les souliers écarlates, album illustré par Nancy Ribard, Talents Hauts (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Contes d’un autre genre, album illustré par François Bourgeon, Sylvie Serprix et Peggy Nille, Talents Hauts (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Giga-Boy, album illustré par Cécile Vangout, Talents Hauts (2011) que nous avons chroniqué ici.
- Une place dans la cour, roman illustré par Caroline Modeste, Talents Hauts (2011), que nous avons chroniqué ici.
- La princesse Rose-Praline, album illustré par Julien Castanié, Talents Hauts (2011), que nous avons chroniqué ici.
Son site : https://gaelaymon.com.
Bibliographie sélective de Sandrine Beau :
- Traquées !, roman, PKJ (2021).
- Le plus beau des animaux, roman illustré par Sébastien Braun, Milan (2021).
- Un simple soupçon, roman, Mijade (2021).
- 9 mois… et te voilà !, album illustré par Qu Lan, Belin (2021).
- Série Anna, journal d’un cygne, romans illustrés par Cati Baur, PlayBac (2018-2021).
- Le jour où je suis mort, et les suivants, roman, Alice Jeunesse (2020).
- Avec toi, papa…, album illustré par Marie Leghima, Fleurus (2019).
- Mademoiselle Alice qui inventa le cinéma, roman illustré par Cléo Germain, Belin Jeunesse (2016), que nous avons chroniqué ici.
- La porte de la salle de bain, roman, Talents Hauts (2015).
- Quelle sacrée chance, album illustré par Marion Arbona, Les 400 coups (2014).
- Je suis une lionne, album illustré par Gwenaëlle Doumont, Philomèle (2013), que nous avons chroniqué ici.
- L’ogre qui n’avait peur de rien, album illustré par Soufie, Éditions des Braques (2013), que nous avons chroniqué ici.
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Quand on sera grands, album illustré par Nicolas Gouny, Les P’tits Bérets (2013), que nous avons chroniqué ici.
- La girafe en maillot de bain, album illustré par Maud Legrand, L’élan vert (2013), que nous avons chroniqué ici.
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Le soleil sur la colline, album illustré par Nicolas Gouny, Gargantua (2013), que nous avons chroniqué ici.
- L’étrangleur du 15 août, roman, Oskar Éditeur (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Des crêpes à l’eau, roman illustré par Sandrine Kao, Grasset (2011), que nous avons chroniqué ici.
- L’hippopotin, roman illustré par Hajnalka Cserhati, Talents Hauts (2011), que nous avons chroniqué ici.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
Je les aime beaucoup ces deux-là ❤️