Cet été encore, on vous propose une rubrique que vous aimez beaucoup (et nous aussi !), Du berger à la bergère. Tous les mercredis jusqu’à la rentrée, ce sont des auteur·trice·s et des illustrateur·trice·s qui posent trois questions à une personne de leur choix. Puis c’est à l’interviewé·e de poser trois questions à son tour à son intervieweur·euse d’un jour. Après Martine Delerm et Jean Claverie, Thomas Scotto et Françoiz Breut, Muriel Zürcher et Stéphane Nicolet, Mathias Friman et May Angeli cette semaine c’est Julie Gore qui a choisi de poser des questions à Sibylline !
Julie Gore : Tu écris des récits super mignons comme des histoires qui font peur, tout en gardant ton style bien reconnaissable, comment organises-tu le développement de tes histoires ? Suis-tu toujours un procédé précis ?
Sibylline : Oh la colle !
Je crois que ça dépend des livres et des histoires. Souvent, j’écris au fur et à mesure, sans trop savoir où je vais, mais des fois, j’essaye de m’organiser un peu mieux. Pour Athéna par exemple, comme on doit écrire un épisode par mois, et qu’on est deux scénaristes, c’est plus structuré. On a six pages à faire à chaque fois, je ne peux pas rêvasser des semaines en me demandant si le héros mange ses poils de nez.
Mais une chose est sûre, j’aime bien avoir un interlocuteur, je travaille très mal toute seule et j’ai besoin d’enthousiasme.
Julie Gore : Quel livre ou quelle histoire aurais-tu aimé écrire ou raconter ?
Sibylline : Elles ne sont pas faciles tes questions. J’ai envie de faire une liste de 67 pages. Je vais tâcher de faire plus bref.
Pour les petits, j’aurais voulu être Mr Ponti. Il y a une musique dans son écriture qui me réjouit immanquablement. « Tout le monde s’endort, même le soir ». C’est si joli !
Sinon, mon rêve secret c’est d’écrire un polar où on serre les dents tout du long et qu’à la fin on se dise « Ohlalalala !!! » Mais je ne me sens pas les épaules, je ferai ça quand je serai grande.
Et mon autre rêve secret, c’est de faire des livres lus tout le temps. De raconter à haute voix derrière un micro. J’adorais en écouter quand j’étais petite.
J’ai eu la chance d’enregistrer Rat et les animaux moches et j’ai adoré l’exercice. Des tas de parents m’ont dit que leurs enfants l’écoutaient en boucle, et comme disent les jeunes d’il y a longtemps : c’est cool.
Julie Gore : Tu as auto-édité un livre avec Capucine, La dernière Sirène, suite à une campagne en financement participatif, pourquoi avoir choisi ce mode de publication pour cet ouvrage ? En as-tu d’autres dans le même style de prévu ?
Sibylline : C’était un livre un peu compliqué. Une histoire un peu sombre, avec des illustrations façon gravures anciennes, comme les vieux Jules Vernes.
Ni Capucine (qui a réalisé les illustrations) ni moi n’avions envie de nous lancer dans la valse des envois aux éditeurs. On voulait que ce livre existe, que nous puissions décider de toute la fabrication. Si on avait pu le faire clignoter comme un phare dans la nuit, on l’aurait peut-être fait. L’aventure a été exaltante. Mais aujourd’hui, je commence à réfléchir pour l’envoyer à des éditeurs, car la limite de la campagne de financement participatif, surtout quand un livre est cher à fabriquer, c’est qu’une fois le stock écoulé, c’est fini pour de bon, terminé.
On a un autre projet, avec Capucine, avec pas du tout le même thème et je tergiverse encore. J’ai adoré faire des tableaux Excel (oui, c’est étonnant), tout calculer, suivre la campagne avec fébrilité, mais je ne sais pas, le livre n’est pas encore tout à fait écrit, je réfléchis 🙂
Sibylline : Est-ce que tu as des sources d’inspirations étonnantes qui te donnent des idées pour dessiner ? (En regardant une tomate, en choisissant des chaussettes, en reniflant un truc, etc.)
Julie Gore : Alors étonnantes je ne sais pas, pour moi ça l’est pas (mais pour les autres peut-être), mais j’ai tendance à personnifier à peu près tout ce qui m’entoure : une araignée que je vais appeler Josianne ou une tige de coquelicot fanée, j’en fais des personnages ou des maisons qui m’inspirent ensuite des images.
Tout est prétexte à rendre le monde qui m’entoure mignon et sympathique.
Petite fille le passage du camion poubelle me terrifiait, je pensais à tous ces petits objets innocents écrabouillés par ce gros camion bruyant, aujourd’hui ça va mieux mais j’ai toujours de l’attachement pour certains objets du quotidien.
Depuis peu, ma fille de trois ans a des mots d’enfants très inspirants aussi, cette semaine elle m’a dessiné « une étoile d’araignée ».
Sibylline : Qu’est-ce que tu préfères dans ton métier d’illustratrice ? Et qu’est-ce que tu aimes le moins ?
Julie Gore : Ce que je préfère, c’est d’être libre de pouvoir faire à peu près tout ce qui me plait, ce que j’aime le moins c’est de ne pas me sentir complètement indépendante financièrement à 30 ans…
Cela m’angoisse aussi beaucoup de devoir prendre des décisions toute seule.
En entreprise je pense que de me laisser guider par une direction me soulagerait parfois, ça peut paraître fou (de vouloir un patron) mais c’est vraiment épuisant nerveusement d’être la seule à gérer sa vie professionnelle.
D’un jour à l’autre on peut tout arrêter, c’est excitant d’avoir cette liberté mais c’est aussi terriblement flippant.
Sibylline : Est-ce qu’il y a des choses que tu n’aimes pas du tout dessiner ?
Julie Gore : Je suis incapable de dessiner sans en avoir envie.
Ce qui peut rendre mon métier parfois compliqué !
Il y a des périodes où je peux dessiner à peu près n’importe quoi et d’autres ou je suis complètement bloquée.
Dans ces moments-là, des choses que j’adorais dessiner juste avant peuvent devenir un calvaire à faire sur commande.
Du coup je dirais pour répondre à la question, rien et à peu près tout parfois mais aussi et surtout, les immeubles, ahahaha.
Bibliographie de Sibylline :
- Série Athéna, scénario co-écrit avec Frédéric Bagères, dessins de Marie Voyelle, BD Kids (2018-2019).
- Rat et les animaux moches, scénario, dessins de Jérôme d’Aviau et calligraphies de Capucine, Delcourt (2018).
- Série C’est pas toujours pratique d’être une créature fantastique, textes illustrés par Marie Voyelle, Des ronds dans l’O (2015 – 2018).
- Sous l’entonnoir, scénario, dessins de Natacha Sicaud, Delcourt (2011).
- Le trop grand vide d’Alphonse Tabouret, scénario, dessins de Jérôme d’Aviau et calligraphies de Capucine, Ankama (2010).
- Premières fois, scénario, dessins de différent·es illustateur·trices, Delcourt (2008).
- Nous n’irons plus ensemble au canal Saint-Martin, scénario co-écrit avec Loïc Dauvillier, dessin de Capucine, Jérôme d’Aviau et François Ravard, Les Enfants Rouges (2007)
Bibliographie de Julie Gore :
- La Savane emménage, illustration d’un texte de Charles Le Prévost, Makisapa (2020).
- Pout et Pout, avec Éric Wantiez, Lapin Éditions (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Qui craint le grand méchant homme ?, illustration d’un texte de Sophie Hérout et Frédérique Caillon-Cristofani, Eidola (2018).
- Bonjour Madame, illustration d’un texte de Julie Rieux et Nicolas Leroy, Eidola (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Poussière, la petite sorcière, autoédition (2018), commandable ici.
Retrouvez Julie Gore sur son site : https://www.juliegore.com.

Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !