Cet été encore, on vous propose une rubrique que vous aimez beaucoup (et nous aussi !), Du berger à la bergère. Tous les mercredis jusqu’à la rentrée, ce sont des auteur·trice·s et des illustrateur·trice·s qui posent trois questions à une personne de leur choix. Puis c’est à l’interviewé·e de poser trois questions à son tour à son intervieweur·euse d’un jour. Après Martine Delerm et Jean Claverie, Thomas Scotto et Françoiz Breut, cette semaine c’est Muriel Zürcher qui a choisi de poser des questions à Stéphane Nicolet !
Muriel Zürcher : Qu’est-ce qui fait que tu aimes bien un livre ?
Stéphane Nicolet : Ce qui me plait le plus dans un livre, ce sont les personnages, encore plus que l’histoire. Si je sens qu’ils existent vraiment fort et que l’auteur les aime (quels que soient leurs défauts) alors j’ai super envie de les accompagner dans le livre. Pas forcément besoin d’une étude psychologique sur 300 pages, mais plutôt des détails marquants qui dessinent leur humanité (pour peu qu’il s’agisse d’humains, mais je crois que ça marche aussi pour les chats). J’aime aussi un livre s’il me force un peu à sortir du chemin, à emprunter des points de vue qui ne sont pas les miens d’habitude.
Muriel Zürcher : Tu préfères lire, écrire ou dessiner ?
Stéphane Nicolet : J’imagine que tu ne me donnes pas le droit de répondre « les trois ! » alors je te dirais « les trois en alternance ! ». Lire un texte d’album, ça me donne envie de dessiner, de trouver des idées et d’ajouter mon grain de sel à l’histoire. Mais dessiner parfois, je trouve ça frustrant, j’ai envie de mettre mes doigts dans l’histoire comme un malotru et ça me donne envie d’écrire. Et enfin, écrire, tu sais bien que c’est souvent douter, et ça, ça me donne envie de lire pour me rassurer, me remplir d’histoires pour réparer la mienne. Ce n’est pas toujours une bonne idée, mais c’est ma technique. En ce moment, ce que je préfère c’est écrire mais je n’y arrive pas trop depuis deux mois… Je ne fais que lire. Peut-être qu’en dessinant un peu ça va revenir.
Muriel Zürcher : Qu’est-ce qui se passe quand tu es en train de créer ?
Stéphane Nicolet : Je crois que je ne sais pas, tu n’es pas trop déçue ? En tout cas, ça commence toujours pareil : je tourne autour du pot, je ne me mets pas au travail, je fais mille autres activités pas du tout urgentes (peut-être un peu moins que mille) en réfléchissant à ce que je dois faire et je commence à paniquer. Par exemple je pèle une boîte de fèves ou je te téléphone pendant une heure pour me plaindre que je panique parce que je pèle une boîte de fèves au lieu de travailler. Puis, d’un coup, je me mets au travail (je n’ai pas encore compris quel était le déclencheur) et je fais tout d’un coup. Je n’ose pas faire de pause car je sais que je vais recommencer à procrastiner si je m’arrête trop longtemps. C’est comme un tunnel, je ne m’explique pas trop ce qui s’y passe, et je suis assez désagréable si on essaye de m’en sortir (askip).
C’est mon tour pour les questions…
Stéphane Nicolet : Est-ce que tu préfères trouver les idées de tes histoires ou les écrire ?
Muriel Zürcher : Ça dépend des moments parce que je préfère ce qui me demande le moins d’effort 😉
Peut-être que ce serait plutôt la découverte des idées pendant les périodes d’ébullition, quand elles arrivent en mitraillette, qu’il faut vite les noter avant de les oublier, qu’elles brillent et que leur petit vernis de nouveauté leur donne un côté génial. Mais j’aime bien aussi l’écriture dans les moments de grâce où elle coule facilement et que l’histoire ressemble à un film rythmé par mes doigts sur le clavier.
Après, le principe de réalité arrive. Les idées ne sont pas aussi géniales qu’elles en avaient l’air. L’écriture n’est pas aussi belle sur écran que lorsque j’entendais l’histoire dans ma tête. Et il faut se mettre à travailler en fuyant la tentation de tout recommencer. Là aussi, ma préférence va dépendre des périodes. Une nouvelle idée qui réoriente un roman, ça rebooste, même si ça chamboule un peu les choses. Des trouvailles d’écriture, ça redonne du souffle.
Je t’ai déjà dit que j’étais normande ?
Stéphane Nicolet : Est-ce que tu penses au lecteur·ice pendant tout le temps où tu écris ?
Muriel Zürcher : Non, pas tout le temps. Pour les romans ou les BD qui s’adressent aux enfants en primaire, j’ai souvent à l’esprit l’image d’une classe que j’ai rencontrée peu de temps auparavant. Ça m’aide pour adapter l’écriture et pour faire en sorte que la difficulté de lecture ne soit pas un obstacle au plaisir de la découverte de l’histoire. Pour les romans ado, j’oublie assez rapidement qui va lire le livre, souvent dès que je me plonge dans le projet. Je me fais quelques piqûres de rappel, notamment quand je pars vers quelque chose qui pourrait éteindre l’envie des lectrices et des lecteurs de poursuivre leur lecture, ou à l’inverse, quand je trouve une idée sympa et que j’imagine leur jubilation en lisant le roman.
Stéphane Nicolet : Si tu pouvais dîner avec ton auteur·ice préféré·e, tu le ferais ?
Muriel Zürcher : Oui, oui, oui, trois fois oui. J’adore écouter les écrivaines et les écrivains parler de leur travail, de leur petite tambouille créative personnelle. Ces dernières années, j’ai reçu une grande claque en lisant l’œuvre d’Andrus Kivirähk. Alors même si mon estonien est un peu rouillé (je verse dans l’euphémisme), si l’occasion se présente, je fonce !
Bibliographie sélective de Stéphane Nicolet :
- Mon chien est une princesse, album, illustration d’un texte de Sandra Le Guen, Casterman (2020).
- J’aurais dû écouter papa et maman, album, texte et illustration, La poule qui pond (2019).
- Refuge, album, illustration d’un texte de Sandra le Guen, Les P’tits Bérets (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Mes 150 pourquoi – Les animaux, documentaire, illustration de textes d’Emmanuel Trédez, Père Castor (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Le Cerf-volant de Toshiro, album, illustration d’un texte de Ghislaine Roman, Nathan (2018).
- Terriens mode d’emploi, documentaire, illustration de textes de Muriel Zürcher, Casterman (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Inspecteur Londubec, la cigogne marche sur des œufs, BD, dessins sur un scénario d’Emmanuel Trédez, Éditions du Long Bec (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Les États-Unis, documentaire, illustration de textes de Gérard Dhôtel, Nathan (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Grands personnages du XXe siècle, documentaire, illustration de textes de Christophe Quillien, Nathan (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Auprès de mon arbre, collectif d’illustrateurs sur un texte de Benoît Broyart, La maison est en carton (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Zizi, lolos, smack, documentaire, illustration de textes de Delphine Godard et Nathalie Weil, Nathan (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Carnet de voyage en Gitanie, documentaire, avec Emmanuelle Garcia, Mama Josefa (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Grandes capitales du monde, documentaire, illustration de textes de Christophe Quillien, Nathan (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Youpi, Oups, Beurk !, documentaire, illustration de textes de Muriel Zürcher, Nathan (2012).
Bibliographie sélective de Muriel Zürcher :
- Des bleus au cartable, roman, Didier Jeunesse (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Terriens mode d’emploi, documentaire illustré par Stéphane Nicolet, Casterman (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Robin des graffs, roman, Thierry Magnier (2016) que nous avons chroniqué ici.
- Soléane, roman, Didier Jeunesse (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Il était trop de fois, album illustré par Ronan Badel, Thierry Magnier (2016), que nous avons chroniqué ici.
- La forêt des totems, roman, Thierry Magnier (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Série Un caillou dans ta chaussure, romans, Graine² (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Toile de dragon, album illustré par Qu Lan, Piquier Jeunesse (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Ça déménage au 6B, roman, Thierry Magnier (2014), que nous avons chroniqué ici.
- série Livranimo, album illustré par Sigrid Martinez, Lito (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Créatures, album illustré par Karim Friha, Graine² (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Le gang des gigoteurs, album illustré par Bérengère Delaporte, Graine² (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Krok mais, album illustré par Emilia Conesa, Winioux, (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Le voleur de lunettes, album illustré par Olivier Huette, Lito (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Cromagnon !, documentaire, illustré par PhiCil, Graine² (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Youpi ! Oups ! Beurk ! Ces émotions qui pimentent la vie, documentaire illustré par Stéphane Nicolet, Nathan (2012)
- Graine de Savant Fou, documentaire co-écrit avec Stéphane Hurtrez illustré par Rafaël Houée, Graine² (2012)
- Papa Yaga, roman, Oskar éditeur (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Série Le tourneur de page, roman, Éveil et découvertes (2011), que nous avons chroniqués ici, ici et là.
- La perle volée, album illustré par Émilie Ruiz, Éveil et découvertes (2011), que nous avons chroniqué ici.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !