Aujourd’hui, nous recevons l’éditrice Floriane Charron qui a fondé les jolies éditions du Diplodocus. Ensuite, on ira voir comment crée une des autrices de cette maison d’édition, Clémence Sabbagh.
L’interview du mercredi : Floriane Charron (Le Diplodocus)
Parlez-nous de votre parcours
Après des études de Japonais à l’INALCO, d’édition à La Sorbonne et de nombreux stages dans l’édition en littérature et documents, j’ai travaillé quelques années dans l’édition de guides de voyage (principalement Les guides bleus) en tant qu’assistante éditoriale free-lance puis coordinatrice éditoriale et enfin responsable éditoriale dans les livres de cuisine et beaux-livres.
En septembre 2015, vous avez créé Le diplodocus, comment est venue l’idée de créer une maison d’édition ?
L’idée de créer une maison d’édition me trottait dans la tête depuis longtemps, mais je n’osais pas passer le cap. Et un jour, alors que je cherchais du travail, on m’a proposé de racheter une maison d’édition jeunesse. Je n’avais absolument pas les moyens financiers, mais ça a fait un déclic et je me suis dit que c’était possible. J’ai décidé de partir de zéro et de créer ma propre structure. Et l’édition jeunesse est venue naturellement parce que j’avais envie de travailler dans un secteur très créatif.
Pourquoi l’avoir appelée Le diplodocus ?
On voulait rester dans la tradition des noms d’animaux, très présente dans ce secteur, pour que le côté « jeunesse » soit assez évident. Et le diplodocus, en plus d’être un nom amusant à prononcer — ça rebondit en bouche — est un herbivore, donc avec une connotation pacifique et bienveillante. On aimait aussi son côté pataud, comme l’éléphant, qui rend sa démarche attendrissante et révèle une grande qualité : il sait prendre son temps.
Mais plus particulièrement c’est parce que c’est un animal au croisement du réel et de l’imaginaire, puisqu’il a existé alors que personne n’en a jamais vraiment vu. Ce point correspond particulièrement à notre vision de la littérature jeunesse, dans laquelle l’imaginaire et le réel se répondent, se nourrissent pour permettre aux enfants de prendre conscience des possibles.
On pourrait dire que le diplodocus a les pieds sur terre mais aussi un peu la tête dans les étoiles.
Comment définiriez-vous la ligne éditoriale ?
Nous n’avons pas de ligne éditoriale toute tracée, elle se fait au fil du temps et de nos coups de cœur. On aimerait éditer aussi d’autres choses que ce qu’on fait déjà : de la bande dessinée, des romans, etc., peut-être même pour les plus grands (ados). Mais il faut trouver les projets qui nous intéressent.
Puisqu’on n’est pas vraiment dans une niche, c’est difficile de définir notre ligne éditoriale, c’est un peu comme définir nos goûts. Je pense que c’est l’envie de publier des livres qui n’ont pas déjà été faits ailleurs, de ne pas être dans la redite. Et le corollaire de ça c’est de faire des livres créatifs. Et bien sûr ce qui nous tient beaucoup à cœur, c’est la qualité autant des textes que des illustrations. Nous travaillons beaucoup avec les artistes pour essayer d’aller le plus loin possible.
Qui compose l’équipe et quel est le rôle de chacun·e ?
Nous sommes deux au diplodocus, Matthieu Saintier, mon compagnon, m’a rejointe « officiellement » il y a 2 ans environ, et s’occupe surtout de la partie artistique. De mon côté, je m’occupe de la gestion de la maison, de la communication et de la commercialisation. Nous sommes tous les deux à l’éditorial, de l’acceptation du manuscrit jusqu’à son départ chez l’imprimeur.
Nous avons également un diffuseur-distributeur, Serendip livres, qui nous ressemble bien puisqu’il est à taille humaine et travaille avec des éditeurs créatifs.
Nous travaillons également avec une représentante de droits étrangers, l’agence Syllabes agency.
Pour vous, qu’est-ce qu’un bon livre jeunesse ?
Un bon livre jeunesse, c’est un livre qui amène l’enfant ailleurs, lui pose des questions, suscite la découverte, peut-être même le bouscule. Et pour que ce soit plaisant, il faut qu’il soit captivant, donc intelligent et créatif.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
La bibliothèque de mon village m’a beaucoup apporté, la quantité, la diversité. Chez moi aussi il y avait beaucoup de livres. Parmi ceux dont je me souviens, il y a La petite chenille qui faisait des trous d’Éric Carle, Mariette et Soupir d’Irène Schwartz et Frédéric Stehr ou encore Les belles lisses poires du prince de Motordu de Pef. J’ai été très marquée par plusieurs histoires dans les J’aime lire, ou Les belles histoires, par Tom-Tom et Nana ou encore Mimi Cracra.
Adolescente j’ai découvert Daniel Pennac, que j’ai commencé à lire avec les histoires de Kamo puis toute la tribu Malaussène. Et aussi Maupassant, Camus, Vian et Gary.
Quelques mots sur vos prochains ouvrages ?
En 2021, nous décidons de doubler notre production éditoriale ! Nous passons de 3 livres par an, jusqu’à l’année dernière, à 7 cette année.
Tout au long de l’année, il y aura une trilogie « Couleurs jardin », à l’attention des tout-petits autour de la découverte de la nature. Écrite par Clémence Sabbagh et illustrée par trois talentueuses illustratrices, Teresa Arroyo Corcobado, Margaux Grappe et Flora Descamps. Bleu jardin, Rouge jardin et Vert jardin donnent trois regards différents sur la nature. Ces trois tout-carton se veulent ludiques et interactifs et se clôturent tous par une proposition d’activité adaptée aux jeunes lecteurs.
En avril nous sortirons Ardi, chasseur d’éléphants, un album écrit par Perrine Joe et illustré par Aude Brisson. Après le très remarqué Bougeotte, nous retrouvons ce duo talentueux autour d’un texte plein d’humour sur les préjugés et les non-dits qui nous raconte l’histoire d’un petit garçon qui chasse les éléphants dans son village. Et il doit sûrement bien faire son travail puisque justement, dans son village, on n’a jamais vu d’éléphant.
Et en juin, nous retrouverons nos petits personnages préférés avec Les Grrr en vacances. C’est le deuxième tome de la série, écrit également par Clémence Sabbagh (2021 est son année au diplodocus) et illustré par Agathe Moreau. Encore une fois, ils ne seront jamais contents, toujours à se plaindre, même en vacances. Et bien entendu, ça ne vous rappellera personne, puisque ni vous, ni votre entourage ne se plaint jamais.
Puis à l’automne, nous publierons deux albums, l’un est écrit par Céline Claire et illustré par Yohan Colombié-Vivès, La noisette magique, sur la transmission et le passage du temps. Et on est très content de publier notre premier rachat étranger : un album chinois illustré par Qu Lan et écrit par Peng Xuejun.
Les livres du Diplodocus que nous avons chroniqués :
- L’enfant fleuve, texte de Cécile Elma Roger, illustré par Eve Gentilhomme (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Trompette + moi, de Joanna Wiejak (2020), que nous avons chroniqué ici.
- La belle échappée, texte de Maylis Daufresne, illustré par Magali Dulain (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Bougeotte, texte de Perrine Joe, illustré par Aude Brisson (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Cru cuit, de Matthieu Saintier (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Marcel, super chat, de Joanna Wiejak (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Les Grrr, texte de Clémence Sabbagh, illustré par Agathe Moreau (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Gratin d’Hippopotame, de Reza Dalvand (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Les salades de mon grand-père, de Joanna Wiejak (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Qu’est-ce qu’il y a dans ton ventre ?, texte de Sara Trofa, illustré par Elis Wilk (2015), que nous avons chroniqué ici.
Le site du Diplodocus : https://www.le-diplodocus.fr.
Quand je crée… Clémence Sabbagh
Le processus de création est quelque chose d’étrange pour les gens qui ne sont pas créateur·trice·s eux-mêmes. Comment viennent les idées ? Et est-ce que les auteur·trice·s peuvent écrire dans le métro ? Les illustrateur·trice·s, dessiner dans leur salon devant la télé ? Peut-on créer avec des enfants qui courent à côté ? Faut-il de la musique ou du silence complet ? Régulièrement, nous demandons à des auteur·trice·s et/ou illustrateur·trice·s que nous aimons de nous parler de comment et où ils·elles créent. Cette semaine, c’est Clémence Sabbagh qui nous parle de quand elle crée.
Je suis une glaneuse : en balade, en lisant, lors de voyages en train, de visites d’expos, de cours de photos, de rencontres…, je glane les idées. Et pour être sûre de ne pas les laisser filer, je les note sur des petits carnets que je promène partout avec moi.
De temps en temps, je reprends ma collection de carnets pour en tirer un fil et voir ce qui vient, de ce que j’arrive à démêler… ou pas.
Ensuite, je note, j’agence, je rature frénétiquement sur papier ou ordi, selon les moments ou les envies. Mais toujours à ma table de travail. Je n’arrive pas vraiment à écrire ailleurs.
Depuis peu, j’ai deux bureaux : celui du matin, dans mon salon-salle à manger-cuisine. J’aime cet espace lumineux, ouvert sur mon petit jardin, où passent les oiseaux et chats du quartier. Mais c’est aussi un lieu de vie où défilent tous ceux qui sont à la maison… Pas toujours simple de se concentrer ! Je rêve d’une pièce rien qu’à moi, où je puisse m’isoler pour travailler au calme et à toute heure.
Comme je suis de nature ours, j’ai tendance à me calfeutrer dans ma tanière. Mais à la fin du confinement, je crois que j’en avais fait le tour ! Alors je me suis bousculée pour trouver un espace que je puisse partager avec d’autres. Depuis peu donc, j’enfourche mon vélo chaque après-midi pour regagner mon autre bureau, sur une péniche du canal du midi. À bord, je retrouve plein de chouettes gens, qui m’ouvrent d’autres horizons.
J’adore me sentir sur l’eau. La lumière y est différente. J’observe les bateaux passer, les promeneurs déambuler, les gens pêcher… Comme une impression de partir en voyage chaque jour !
Le matin, j’ai du mal à me mettre au travail. Je me trouve toujours des excuses pour repousser ce moment d’écriture : répondre à des mails, des urgences pas toujours urgentes, faire du thé, un café, re-du thé, etc. Pour me donner de l’énergie, je mets de la musique, j’écoute la radio (France Culture) ou des podcasts. Et une fois lancée, je préfère le silence pour mieux écouter les mots résonner entre eux. Là, je ne vois plus le temps passer, plus rien n’existe autour de moi. Je suis embarquée par mon histoire, le rythme des phrases, les sonorités des mots. Et c’est toujours quand je sens que toutes les pièces du puzzle s’emboîtent parfaitement que je suis rattrapée par l’heure. Celle qui dit « en retard, je suis en retard ». Hop, un coup de vélo, je plonge en pleine réalité, je récupère mes enfants à l’école, ma bulle et mes histoires sont déjà loin !
Bibliographie sélective :
- La grande course des Jean, album illustré par Magali Le Huche, Les fourmis rouges (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Moi et les autres, album illustré par Elo, Plume de Carotte (2020).
- Moi et les machines, album illustré par Carole Aufranc, Plume de Carotte (2020).
- Moi et ce que je vois, album illustré par Joanna Wiejak, Plume de Carotte (2020).
- Seuls, moches et abandonnés, album illustré par Gilbert Legrand, Plume de Carotte (2020).
- Bonjour le monde !, album illustré par Margaux Grappe, Maison Eliza (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Le sommeil a disparu !, album illustré par Fabien Öckto Lambert, Gautier-Languereau (2018).
- Les Grrr, album illustré par Agathe Moreau, Le Diplodocus (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Rose cochon, album illustré par Françoise Rogier, À pas de loups (2017), que nous avons chroniqué ici.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !