Aujourd’hui, on reçoit l’autrice-illustratrice Marie-Noëlle Horvath, dont j’ai beaucoup aimé l’album Bienvenue Renard sorti à La Joie de lire au mois de mai. Elle est l’invitée de l’interview. Puis je vous propose de nous faire tout petit·e pour observer Louise Mézel travailler. La créatrice de Roland Léléfan, un personnage qu’on aime beaucoup, est l’invitée de notre Quand je crée.
L’interview du mercredi : Marie-Noëlle Horvath
Pouvez-vous nous parler de Bienvenue Renard, votre album paru en mai dernier à La Joie de lire ?
Bienvenue Renard est l’exploration pièce par pièce de la maison de Blaireau par son cousin Renard. Blaireau est parti pour le concours du meilleur cornichon du monde et lui confie sa maison et ses plantes.
Cette histoire d’échange de maisons avec des indications laissées pour tout trouver m’a beaucoup touché, car ça m’a rappelé des choses. Comment est née cette histoire ?
Cette histoire est partie de mon expérience personnelle. Je prête volontiers mon appartement à des amis, à des amis d’amis. Comme j’ai un chat et beaucoup de plantes, cela donne lieu à pas mal de recommandations écrites sur des bouts de papier, posés sur une table bien en évidence à côté de l’arrosoir et des croquettes du chat. À cela peuvent s’ajouter d’autres explications bien spécifiques sur le fonctionnement de la maison.
Comment naissent vos histoires en général ? Qu’est-ce qui arrive en premier, les dessins ou l’histoire ?
Mes livres précédents étaient sans texte, donc à chaque fois je réfléchis bien à mon idée, je fais des chemins de fer puis des recherches graphiques. Une fois que tout est déterminé, je me lance dans les illustrations définitives. Pour Bienvenue Renard, c’était un peu différent puisqu’il y a du texte. En janvier 2023, j’ai eu la chance de faire une résidence d’une semaine dans une crèche à Rouen avec le dispositif BABIL. J’ai fait deux images d’après mon idée de départ à ce moment-là, puis j’ai commencé à réfléchir à un texte et au reste des images. Mais le texte définitif est ce que j’ai fait en dernier, car l’écriture n’est pas (encore) naturelle chez moi.
J’aimerais que vous nous parliez de votre technique d’illustration. Comment procédez-vous ?
Tous mes livres à La Joie de lire ont des illustrations textiles. J’aime explorer autour du tissu et ses différentes possibilités. J’adapte ma technique à chaque livre mais ça se fait de manière assez instinctive. Pour Bienvenue Renard, il s’agit de tissu peint, découpé et brodé.
Y a-t-il des illustrateurs et des illustratrices dont le travail vous touche ou vous inspire ?
En illustration jeunesse, j’aime beaucoup le travail de Charlotte Lemaire et de Fanny Dreyer, regarder leur travail me donne toujours envie de peindre !
Sandra Dufour aussi pour sa technique en broderie. Je m’inspire aussi beaucoup d’artistes, des artisans, de designers textiles : Aino Maija Metsola, Carla Fernandez, Tamara Kostianovsky et plein d’autres.
Vous avez sorti plusieurs albums à La Joie de lire, pouvez-vous nous parler de votre collaboration ?
J’ai rencontré La Joie de lire lors d’un voyage au Foire du livre de jeunesse de Bologne organisé par La Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse en 2013. L’éditrice et la directrice artistique ont aimé mon travail en textile et depuis nous collaborons ensemble. Nous avons une relation de confiance et c’est très agréable de se sentir soutenue dans son travail comme ça.
Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Je ne suis pas issue d’une école d’illustration mais de textile que j’ai faite à Lyon. Après mon BTS arts textiles, je me suis lancée en tant que freelance pour diverses marques de loisirs créatifs telles que Marie Claire idées, DMC (fils à broder), Phildar (laines), éditions Marabout. J’ai également collaboré avec Agnès b. pour une série d’accessoires et Du Pareil au même pour une gamme de motifs textile. Puis petit à petit, l’envie de dessiner et de faire de l’illustration m’est revenue. J’ai d’abord commencé avec des dessins sur ordinateur pour aboutir aujourd’hui à mes illustrations textile.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Les livres n’étaient pas très présents chez moi, mais le dessin et les activités manuelles, oui. La lecture est venue plus tard au lycée, et la littérature jeunesse avec mes études d’art et la découverte au milieu des années 90 des éditions du Rouergue sous la direction d’Olivier Douzou.
Quelques mots sur les prochaines histoires que vous nous proposerez ?
Je n’ai pas de projets d’album pour l’instant mais des idées qui trottent dans ma tête. Je suis assez lente pour aboutir à un livre ! J’aimerais aussi travailler à la commande et collaborer avec des auteurs.
Bibliographie sélective :
- Bienvenue Renard, album, texte et illustrations, La Joie de lire (2024), que nous avons chroniqué ici.
- L’imagier des fleurs sauvages, album, texte et illustrations, La Joie de lire (2022), que nous avons chroniqué ici.
- L’imagier des fleurs du jardin, album, texte et illustrations, La Joie de lire (2021).
- L’ours et l’anniversaire, album, texte et illustrations, La Joie de lire (2019), que nous avons chroniqué ici.
- L’ours et la nuit, album, texte et illustrations, La Joie de lire (2021).
- Tous emmitouflés, album, texte et illustrations, La Joie de lire (2020), que nous avons chroniqué ici.
- L’ours et le miel, album, texte et illustrations, La Joie de lire (2017).
- Faire dodo, illustration d’un texte de Juliette Parachini-Deny, Fleurus (2013).
Retrouvez Marie-Noëlle Horvath sur son site et sur Instagram.
Quand je crée… Louise Mézel
Le processus de création est quelque chose d’étrange pour celles et ceux qui ne sont pas créateur·trices eux·elles-mêmes. Comment viennent les idées ? Est-ce que les auteur·trices peuvent écrire dans le métro ? Les illustrateur·trices, dessiner dans leur salon devant la télé ? Peut-on créer avec des enfants qui courent à côté ? Faut-il de la musique ou du silence complet ? Régulièrement, nous demandons à des auteur·trices et/ou illustrateur·trices que nous aimons de nous parler de comment et où ils·elles créent. Cette semaine, c’est Louise Mézel qui nous parle de la façon dont elle travaille.
Depuis trois jours, j’ai enfin déballé mes cartons et aménagé mon bureau dans mon nouveau chez moi, à Marseille. Cela dit je suis souvent en transhumance, alors quand je voyage, j’embarque tout mon attirail : crayons, gouaches et tubes de peinture, papier, sans oublier le très nécessaire scanner ! C’est un comble pour une casanière comme moi, mais finalement je suis comme les tortues : chargée, mais toujours avec ma maison sur le dos. Mon matériel de dessin c’est mon « continuum espace-temps » comme dit ma mère (jamais très bien compris ce que cela voulait dire, et en même temps je suis bien d’accord).
Pour m’y retrouver, chaque outil a sa place et je rachète toujours les mêmes couleurs et marques, du crayon rose pâle Faber Castel pour les joues de Roland aux tubes de gouache Winsor et Newton, découverts lorsque je vivais à Tel-Aviv, jusqu’à mes acryliques Liquitex. Par contre, j’ai dû faire le deuil du papier Steinbach que je ne trouvais qu’à Bruxelles !
Cet été j’ai travaillé en Italie et j’ai troqué ma bibliothèque contre la Biennale de Venise pour m’inspirer de beaux dessins d’arbres (j’illustre en ce moment une histoire sur un marronnier). Le bruit des voitures a laissé place au chant des grillons. J’aime bien penser que mes dessins portent un peu des couleurs et des lumières que j’emmagasine en moi.
Pour les histoires que j’écris (Roland Léléfan, La Joie de lire), je travaille dans un état d’esprit assez zen. Je commence très simplement avec un crayon bien taillé. Les petits dessins de Roland que je fais sur carnet pour son compte Insta (@rolandlelefan) sont souvent une bonne base d’inspiration. J’imagine que mon crayon est comme une patineuse artistique qui fait des lignes sur la glace. Je commence par dessiner ce que j’aime et j’écris ensuite ce qui me passe par la tête. (Écrire et dessiner en même temps, « c’est comme marcher sur deux jambes », dit Serge Bloch.) Je m’entoure de beaucoup de livres et d’images d’histoire de l’art.
Pour les histoires que j’illustre uniquement, je suis souvent moins sereine, voire carrément stressée ! J’ai l’impression de surfer avec mon crayon sur une gigantesque vague de Hokusai : pas facile de trouver le bon équilibre, le dessin peut échouer à tout instant. Les objets s’accumulent sur ma table avec les tubes de peinture ouverts, la tasse à café dans laquelle je trempe parfois mon pinceau par erreur… Je dois me contorsionner dans tous les sens pour trouver un coin de table libre pour dessiner. Si vous me laissez deux heures à ma table, vous êtes sûr·es de me retrouver échevelée avec de la peinture bleue dans une narine ou sur l’oreille, des feuilles et des crayons un peu partout à mes pieds. Pas étonnant que j’aime tant me glisser dans la peau du personnage Cookie, le chien inventeur foufou inventé par Martine Laffon. Mon bureau devient aussi dérangé que son atelier !
Heureusement, il vient toujours un moment où je reprends mon calme, je commence à entrevoir « le bout du tunnel » : le dessin est fini sans que je m’en aperçoive. Ce n’est qu’au moment où je visualise mon dessin sur l’écran de l’ordinateur, après l’avoir scanné, que je souffle et me trouve satisfaite (ou pas). Ouf !
Je travaille de jour et je mets rarement de la musique ou seulement quand je « nettoie des images » sur Photoshop. Ça peut être FIP ou de la musique brésilienne, parfois de la musique classique mais ça devient vite gonflant. Ce que j’aime, c’est le silence et les bruits de la rue, pour moi c’est comme une page blanche, j’adore ! Dans une autre vie, j’ai sans doute été un moine qui fait de l’enluminure dans sa cellule.
Mes pauses, c’est mon WhatsApp : j’écris des messages à ma famille et aux gens que j’aime, surtout mon groupe de copines nommé « tartiflette » dans lequel j’ai toujours un résumé de l’actu politique… et de bien d’autres histoires !
Louise Mézel est autrice et illustratrice. Son personnage Roland Léléfan fait partie des chouchous de l’équipe de La mare aux mots. Sa dernière parution : Cookie. Vive la vie !, un album sorti à La Joie de lire dans lequel elle illustre un texte de Martine Laffon.
Bibliographie sélective :
- Cookie. Vive la vie !, album, illustration d’un texte de Martine Laffon, La Joie de lire (2024).
- ABC du rivage, album, illustration d’un texte de Rhéa Dufresne, Les 400 coups (2024).
- Roland Léléfan fête Noël, album, texte et illustrations, La Joie de lire (2023).
- Roland Léléfan à la neige, texte et illustrations, La Joie de Lire (2022), que nous avons chroniqué ici.
- Roland Léléfan à la plage, texte et illustrations, La Joie de lire (2022), que nous avons chroniqué ici.
- Les nouvelles aventures de Cookie, album, illustration d’un texte de Martine Laffon, La Joie de lire (2021).
- Roland Léléfan l’artiste, texte et illustrations, La Joie de lire (2021), que nous avons chroniqué ici.
- Roland Léléfan se déguise, texte et illustrations, La Joie de lire (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Roland Léléfan bouquine, texte et illustrations, La Joie de lire (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Roland Léléfan se présente, texte et illustrations, La Joie de lire (2019), que nous avons chroniqué ici.
Retrouvez Louise Mézel sur son site et sur Instagram.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !