Chaque mois, nous mettons un coup de projecteur sur un·e auteur·rice, un·e illustrateur·rice ou une maison d’édition. Ce mois-ci, c’est à Gudule que nous consacrons cette rubrique.
« J’écris pour des lecteurs, point. Quel que soit leur âge. Si la part d’enfance en moi s’exprime plus souvent que la part adulte (les quatre cinquièmes de mon œuvre sont destinés à la jeunesse), c’est peut-être parce que ma propre enfance est toujours vivace en moi. » Gudule
Quand nous avons fait un sondage auprès de nos lecteurs et lectrices il y a quelque temps, une personne a proposé de mettre chaque mois un coup de projecteur sur une personnalité ou une maison d’édition, on a adoré l’idée, on l’a donc adoptée ! (que cette personne — dont on ignore l’identité — soit remerciée ici) Il ne nous a pas fallu longtemps pour décider par qui commencer cette nouvelle rubrique… Gudule a été notre toute première invitée du mercredi quand on a lancé ce rendez-vous en septembre 2011 (interview à relire ici), elle avait aussi inauguré la rubrique Coup de cœur/coup de gueule (à relire là). Elle est surtout quelqu’un qui compte pour beaucoup d’entre nous, à différents niveaux, quelqu’un qui a beaucoup marqué la littérature jeunesse (et dont les livres continuent de marquer — en relisant ses livres on s’est rendu compte à quel point ils n’avaient pas pris une ride) et dont la disparition, il y aura 5 ans en mai, nous avait touché·es voir bouleversé·es pour certain·es d’entre nous. Une autrice jeunesse qui, à une époque où peu le faisaient, parlait d’homosexualité, de sexualité, de préservatif, de SIDA… À travers cette sélection (extrêmement subjective), nous vous invitons à redécouvrir cette grande autrice, et à la faire découvrir aux enfants et aux ados qui ne la connaîtraient pas.
Gabriel
Delphine est en 3e et elle est amoureuse de son prof d’art plastique alors quand celui-ci décide de leur parler de préservatif, elle en ressort toute chamboulée. Mais quand on est une collégienne, ce n’est pas facile d’attirer l’attention d’un prof, même si la meilleure amie de Delphine en est certaine, lui aussi craque sur elle donc il faut foncer !
L’amour en chaussettes est le tout premier livre que j’ai lu de Gudule. Je n’étais plus ado, je n’avais pas encore d’enfants et je n’avais pas encore créé La mare aux mots. J’avais été scié de voir dans un roman pour des collégien·nes comment on pouvait parler de sexe en disant les choses. Le roman a d’ailleurs valu à Gudule des boycotts d’établissements, des courriers d’insultes, etc. (elle nous en avait parlé ici et là). Pourtant quel bonheur que ce roman (que je viens de relire, vingt ans après ma première lecture). Sous forme de journal intime, Gudule nous raconte les amours d’une collégienne, ses émois, ses désillusions et bien plus encore. Bien entendu, il sera question du SIDA et le cours du prof sera l’occasion de tordre le cou à certaines idées reçues (la pilule protège du sida, il n’y a que les homosexuels qui sont séropositifs…), mais on parlera aussi d’homosexualité, de différence… et de sexe ! Gudule raconte tout, tout en restant lisible par les plus jeunes, mais sans jamais les prendre pour des crétin·es. C’est un roman qui a marqué bien des ados, aujourd’hui adultes, il n’a pas pris une ride (mis à part quelques références culturelles notamment) et fera le bonheur de la nouvelle génération. Le roman est conseillé par l’éditeur à partir de la 4e – 3e, mais pourra aussi être lu par les plus grand·es !
Gabriel
Quand il naquit, Jojo avait sur lui une armure. Pas un habit, non non, une vraie armure qui faisait partie de son corps, comme la carapace d’une tortue ou celle d’une crevette. Personne ne comprenait d’où ça venait et ce n’était pas facile pour Jojo de vivre avec ce que tout le monde prenait pour un déguisement… surtout quand il entra à l’école ! Aussi il devait parfois cacher son armure sous d’épais manteaux, écharpes et bonnets… Même en été !
Destiné aux plus jeunes, Pas facile d’être un chevalier est un petit roman richement illustré (par de superbes dessins de la géniale Claude K. Dubois). Il est donc question ici, vous l’aurez compris, d’être différent·e, car à travers cette histoire fantastique, Gudule parle d’histoires bien réelles. Ce petit roman ravira les jeunes lecteurs et lectrices qui viennent d’apprendre à lire, mais pourra aussi être lu, comme un album, aux enfants qui ne savent pas encore lire. Sorti tout d’abord en 2014, il ressort prochainement dans une nouvelle et belle édition chez Mijade (à acheter dès la fin du confinement !).
Gabriel
Un prince qui n’a qu’un œil, un autre qui était né dans une armure et un troisième qui refusait d’aller chez le dentiste, un jeune pirate qui passait son temps à laver, un village assailli sauvé par des fées, un roi qui, du matin au soir, soufflait sur les pâtes de ses cent filles, un frère intelligent et l’autre idiot qui étaient tous deux amoureux de la même fille, un prince changé en crapaud à qui il n’arriva pas ce qui devait arriver, une princesse extrêmement capricieuse et une autre qui sentait la crotte de bique, un vieil homme qui enviait les œufs de sa voisine, un loup comique et une fée qui met un peu d’ordre sur un plateau de télé où l’on dit que les enfants n’ont pas besoin de contes, treize histoires folles.
Gudule nous raconte des histoires assez proches des contes de fées habituels, mais bien plus barrées ! Car ici quand la princesse embrasse un crapaud c’est elle qui se transforme en grenouille, les fées font tomber de la nourriture sur des affamé·es… ce qui les assomme, une princesse est prisonnière d’une crotte… bref, c’est bien plus original et surtout plus drôle que les contes que l’on a l’habitude de lire ! On retrouve ici l’histoire de l’enfant né en armure (voir ci-dessus), mais dans une version différente. Là encore, c’est Claude K. Dubois qui illustre pour notre plus grand plaisir, et celui des enfants ! Ces treize histoires bourrées d’humour sont idéales pour lire le soir avant de s’endormir… en se bidonnant !
Gabriel
Chaque nuit, Guillaume voit sa voisine d’en face, une vieille dame, écrire. Une bonne partie de la nuit, elle écrit. Quand elle arrête, une jeune fille quitte l’immeuble. Une nuit, Guillaume décide de suivre la jeune fille. Elle se rend à la bibliothèque, qui est pourtant fermée à cette heure-ci. Le jeune homme va réussir à lui parler. Elle va lui expliquer qu’elle est la vieille dame qui rajeunit chaque nuit pour rechercher un grimoire. Le lendemain, Guillaume apprend que la vieille dame est décédée…
C’est sous forme de livre lu que j’ai découvert La bibliothécaire. Et même là, on ne peut qu’être marqué·e par l’écriture de Gudule. Quelle plume ! C’est ici Thomas Solivéres qui lit l’un des romans les plus célèbres de cette grande autrice. Dans ce classique de la littérature jeunesse, elle rend hommage à la langue française et à la littérature. On y croise Alice aux pays des merveilles, Gavroche, Poil de Carotte ou encore Le Petit Prince. Une histoire un brin déjantée, totalement originale, captivante qui nous fait passer un moment des plus délicieux.
Gabriel
Corentin ne jure que par son jeu vidéo, Cream City. Un jeu où l’on crée des personnages et leurs lieux de vie avant de les regarder vivre (en leur donnant toutefois, parfois, quelques directives). Il faut dire que la vie de Corentin n’est pas des plus réjouissantes (sa mère l’élève seule et elle vit mal son divorce), alors Cream City, où tout le monde vit heureux, est l’endroit idéal pour se réfugier. Surtout qu’il y retrouve Virna, une adolescente dont il est amoureux… Mais Corentin aimerait que la jeune fille se déshabille, ce que les créateur·rices du jeu n’ont pas prévu, un correctif fourni par un jeune hacker ne va pas avoir l’effet escompté…
Cette fois-ci, Gudule nous plonge en plein suspense à travers une histoire de jeu vidéo (très inspirée des Sims). Il sera question des mondes dans lesquels on se réfugie (et l’addiction qu’ils provoquent), de la réalité qui est bien moins noire que ce qu’on croit (et des mondes parfaits qui le sont moins que ce qu’ils paraissent), des pulsions sexuelles des ados, de la famille… C’est un roman avec une vraie intrigue, idéal pour les ados qui ont du mal à lire et qui seront ici scotché·es par l’histoire !
Gabriel
Léna vit avec sa mère, Marie, qui est écrivaine. L’adulte et l’ado sont unies par une grande complicité, aussi quand Léna voit que sa mère est agacée par une éditrice qui renvoie les manuscrits bourrés d’annotations désobligeantes elle décide de rencontrer celle qu’elle voit comme une tortionnaire. Mais cette rencontre va marquer Léna comme elle ne l’imaginait pas.
Coup de cœur pour ce roman que je ne connaissais pas. Difficile de vous dire de quoi il parle sans vous divulgâcher l’intrigue (vous me pardonnerez), mais il est question ici d’attirance pour une personne du même sexe, des rencontres qui changent une vie, d’amour, de relation mère-fille… Mais, vous l’aurez compris, il est beaucoup question de l’écriture, du monde du livre, de la relation entre un·e éditeur·rice et ses auteur·rices… Le roman est magnifique, c’est drôle, touchant, jamais mièvre, fort… j’ai été totalement emporté dans cette histoire et j’ai eu du mal à le lâcher. Si l’histoire s’adresse aux ados (et raconte avec merveille les troubles de l’adolescence), il pourra clairement être lu par des adultes qui y prendront le même plaisir.
Gabriel
« Apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute » « Rien ne sert de courir, il faut partir à point. » Une cigale et une fourmi, un loup et un agneau, deux pigeons amoureux. Ces personnages évoqués et ces mots prononcés réveillent aussitôt en nous des souvenirs d’enfance. Leurs aventures parfois malheureuses nous ont été contées et voilà que Gudule s’immisce dans les pages de ce monument littéraire pour s’investir d’une mission de la plus haute noblesse : « rétablir les injustices » des célèbres Fables de Jean de La Fontaine. Aussitôt dit, aussitôt fait, voilà que le Renard égoïste apprend la solidarité, que le blason de la grenouille réputée si orgueilleuse se trouve redoré et que le sort du pot de terre n’est plus d’être violemment brisé…
Qui ne connaît pas par cœur ou au moins du bout des lèvres une fable de La Fontaine ? Avec l’école, ses textes s’invitent très tôt dans notre parcours littéraire et ne nous quittent jamais vraiment. Nous rions de ces petits animaux qui se jouent des tours, s’affrontent dans des joutes verbales exquises laissant le lecteur face à une morale qui a traversé les siècles et qui nourrit les prémices de ses futurs questionnements sur le monde qui l’entoure. Reprenant la forme versifiée, Gudule chatouille les classiques et s’amuse à offrir un audacieux prolongement aux récits du grand fabuliste. Avec une grande humilité revendiquée derrière sa démarche, elle ne dénature jamais le texte originel, mais lui apporte un contrepoint intelligent, frais et d’une grande justesse. Dès les premières pages, on se délecte de ce ton et de ce rythme qui perdurent au-delà des époques et que l’autrice modernise avec une aisance folle, nous obligeant à nous montrer moins catégoriques et à ne pas céder à la facilité des jugements hâtifs. Justice littéraire est élégamment faite… Et laissons au talent de l’immense Gudule le soin de conclure cette chronique « La jeunesse a des arguments/ Que la vieillesse doit entendre. / Car si l’une de l’autre a beaucoup à apprendre/ L’inverse est vrai également. »
Mokamilla
Une nouvelle année scolaire commence pour Elsa (15 ans), avec heureusement, la joie de retrouver sa meilleure amie Mélanie. Les caïds de la classe sont là aussi, ce qui n’enchante pas les deux filles, mais pour l’heure, ce n’est pas ça qui les intéresse. Il y a un nouveau : il s’appelle Thomas, et Elsa est sous le charme de ses grands yeux bleus. Si une jolie idylle adolescente semble très vite se dessiner entre les deux jeunes gens, un événement va venir troubler leur histoire : Thomas se blesse, une petite égratignure qu’Elsa s’apprête à soigner par un baiser affectueux. Mais le jeune homme la repousse brutalement sans plus d’explication. C’est là que l’engrenage se met en place, et le directeur de l’établissement se voit contraint de révéler la vérité aux parents d’Elsa, pensant la protéger : Thomas est séropositif, il a été contaminé suite à une transfusion de sang après un accident. Mais le secret ne sera hélas pas gardé, et tout le collège ne tardera pas à être au courant. Entre moqueries, injures et rejet, même de la part d’Elsa, Thomas se sent trahi par tous et toutes. Il faudra bien du recul et de l’amour réciproque pour que la situation s’arrange et que Thomas puisse avancer dans sa vie comme n’importe quel garçon de son âge ou presque.
Avec ce roman, Gudule montre parfaitement les répercussions de l’irruption de l’inhabituel dans le quotidien rythmé des collégiens et collégiennes. Ici la situation « extraordinaire » (au premier sens du terme : qui sort de l’ordinaire) est l’arrivée d’un élève séropositif dans l’établissement. Et avec cette arrivée, tous les préjugés qui avaient cours à l’époque sur les personnes séropositives. Rappelons que le roman est paru en 1994 ; revenons donc vingt-cinq ans en arrière… et rappelons-nous quelle était l’opinion publique à ce moment-là : la confusion entre séropositivité et sida, les idées fausses sur les modes de transmission du virus, la stigmatisation envers la communauté gay, notamment, et plus généralement le rejet des personnes séropositives.
Si le roman paraît un peu daté pour un jeune lecteur ou une jeune lectrice d’aujourd’hui, il permet malgré tout une très bonne remise en contexte de la décennie 90 et de l’évolution de la façon dont la société traite une personne séropositive (ici, très jeune, ce qui est encore plus rare en littérature jeunesse). À l’image d’autres romans de Gudule, La Vie à reculons traite d’un sujet difficile avec beaucoup de lumière et d’espoir, tout en ne cachant pas la réalité parfois brutale d’une époque.
Amélie
Le père de Mickette l’avait prévenue : si elle ne fait pas d’effort pour remonter ses notes à l’école, c’est direction la pension. Et son bulletin scolaire est bourré de mauvaises appréciations de la part des profs, mis à part en sport où elle ne s’en sort pas trop mal.
Ça tombe bien (mais très mal du point de vue de Mickette), car un ami proche de son papa, Mr Dubrunet, lui propose de la faire rentrer dans un établissement hors pair : la pension Suave.
Voici donc la jeune ado qui se retrouve devant le portail d’une école perdue en pleine campagne, à des années-lumière de son Paris chéri.
Et là, horreur elle est directement catapultée dans les années 30 ! Uniforme bleu marine bien repassé, petites ballerines à nœuds, totalement à l’opposé de son jean troué à l’opinel et ses vieilles baskets… Quant aux autres pensionnaires, n’en parlons pas : elles sont toutes bien peignées, jouent au diabolo et au cerceau et sont d’une discipline tellement exemplaire que ça donne le tournis.
En plus, Mickette est mise à l’écart pour tout : elle a sa propre chambre loin du dortoir commun, mange à une table à part une nourriture différente de la soupe jaunâtre servie aux autres fillettes… Pas facile de s’intégrer avec tout ça.
Le plus étrange c’est la zone interdite dont lui parle Roseline, la seule qu’elle peut considérer à peu près comme une copine : c’est là-bas qu’on va en cas de bobo, mais personne ne sait ce qu’il s’y passe, comme si la mémoire s’efface dès qu’on en ressort.
Où a-t-elle pu bien tomber ? Que cache cette pension Suave où tout le monde est tiré à quatre épingles, où les gamines tombent dans les pommes dès qu’on les frôle et où Mr Dubrunet a le droit à une cérémonie en son honneur chaque semaine ?
Quelque chose cloche, c’est sûr, et Mickette ne va pas tarder à mettre le doigt dans d’affreux rouages pas si bien huilés…
Pour ce coup de projecteur sur Gudule, j’ai souhaité vous parler de deux romans (celui-ci et Zoé contre Zoé, voir plus bas) qui m’ont marquée lorsque j’étais petite, chacun avec une héroïne débrouillarde et pleine de ressources, le tout dans des univers où le mystère côtoie le surnaturel.
L’école qui n’existait pas est un roman fantastique au format assez court et rapide à lire, d’autant plus qu’il tient en haleine du début à la fin. Mickette est un personnage attachant avec son caractère bien trempé, espiègle, un brin rebelle et à la langue bien pendue.
Gudule lui fait vivre plusieurs aventures toutes aussi mystérieuses les unes que les autres dans cinq romans pleins de rebondissements, où l’on retrouve également le lien qui l’unit à son père qui l’élève seul.
À travers ces péripéties les frissons sont au rendez-vous, en plus de la grande force de l’autrice de parler de l’adolescence, des doutes, des coups de gueule, mais aussi de la force qui en exulte.
Caroline
Suite à une énième dispute avec son grand frère Rémi, Zoé s’enferme dans sa chambre, bien décidée à entamer une grève de la faim. Que sa mère, toujours un brin autoritaire et son frère, toujours un peu tête de mule, se liguent contre elle passe encore… Mais que même son papounet et son chien chéri l’abandonnent, ça c’est trop fort !
Elle se rend compte de sa situation, c’est sûr qu’elle est ce qu’on appelle une enfant martyre ! Et donc elle ne voit pas d’autre solution que de fuguer pour voir où ses pas la mènent : avec un peu de chance au cœur d’une famille où les sucreries pleuvent et où elle ne sera jamais grondée.
Mais très vite elle se rend compte de sa bêtise : elle est perdue au beau milieu de la nuit, dans un quartier tout glauque et délabré.
Heureusement que Zoé tombe nez à nez avec Rémi, qui la ramène illico à l’abri, bien au chaud à la maison. Mais quelque chose chiffonne Zoé : sa maman lui propose de manger son soi-disant plat préféré devant la télé : escargots de bourgogne devant film d’horreur interdit aux mineur·es… Improbable ! Et ne parlons pas de son frère qui est tout gentil et de Hot Dog son chien adoré qui lui montre les crocs. Quant à son père… Elle ne l’a jamais vu dans cet état : cheveux en bataille, regard mauvais, et il va jusqu’à la punir très sévèrement en lui tirant les oreilles.
C’est comme si elle était tombée en plein cauchemar, dans une famille-miroir où toutes les personnalités ont été inversées. D’ailleurs, en y regardant de plus près, tout est disposé à l’envers dans « sa » maison.
Et là c’est la douche froide… Si elle est vraiment tombée chez une famille sosie, ça veut dire que son double doit être chez elle ! Et si son double est l’inverse d’elle, ça doit être une vraie peste, qui va faire de la peine à ses parents et… martyriser son pauvre Hot Dog.
Horreur ! Comment se sortir de ce cauchemar ?
Zoé contre Zoé a pour une héroïne une petite fille très vive d’esprit et à l’imagination débordante, ce qui peut l’amener dans des situations frôlant de près le fantastique, le mauvais rêve éveillé.
Dans ce roman, Gudule remet en perspective l’autorité parentale qui peut sembler injuste lorsque l’on est enfant. Elle traite aussi de sujets très importants comme ceux de la fugue, des sentiments d’incompréhension, d’injustice et de la remise en question.
Très prenant, ce livre fait frémir autant qu’il rassure sur l’amour d’une famille, avec ses défauts et surtout ses qualités. Un tome issu d’une série assez importante intitulée Zoé la trouille où chaque histoire est pleine de péripéties et où l’on retrouve avec plaisir la petite Zoé et sa famille.
Caroline
Daoud, le migrant libanais, et Vera, la collégienne parisienne, se sont rencontré·es devant le grand mur Ordener dans le 18e arrondissement. Daoud y réalisait une grande fresque avec ses amis du groupe des Tatoueurs de Murs ; Vera venait observer quotidiennement l’évolution de ce tableau grandeur nature. Tout de suite, ce fut l’amour fou entre eux. Mais le jour, où le garçon débarque à l’improviste, demandant à la jeune fille, de cacher un ordinateur volé, la confiance se fissure. Malgré tout, elle accepte, juste pour quelques jours. Sa curiosité est trop grande. Vera ouvre l’appareil, et découvre un roman inachevé. Elle réussit à convaincre Daoud de rendre l’ordinateur à son propriétaire. Mais comment le retrouver ? Avec l’aide de ses ami·es, le jeune couple va donc déployer toute son ingéniosité et tous les moyens à sa disposition pour retrouver l’auteur de « Barbès blues ».
Nous nous laissons prendre par ce « Barbès blues », tout comme Véra avec le « Barbès Blues » de l’auteur introuvable. Le suspense et le style fluide de ce court roman font tourner les pages les unes après les autres, sans pouvoir décrocher, dans l’espoir d’une fin à la hauteur de l’attente des personnages. Si l’on voulait aller plus loin dans notre réflexion, on pourrait même voir cette mise en abyme comme un hommage à la puissance des livres. En effet, tous les personnages sans distinction de classe sociale (collégienne, graffeurs ou autres protagonistes au grand cœur) déploient une folle énergie dans l’espoir de la publication du « Barbès blues ». Le livre dans le livre est celui vers lequel tous les regards se portent, celui qui n’a pas de prix. Ce texte écrit, il y a environ vingt ans, reste d’une grande modernité ; les plus jeunes, noteront, toutefois, la présence d’éléments d’un autre temps, comme la disquette ou la cabine téléphonique.
Un livre à découvrir, à redécouvrir ou à faire découvrir, qui mérite qu’on le ressorte des bibliothèques.
Carole
Un dernier livre, différent à tout point de vue, mais comment ne pas en parler… Sous les bouclettes n’est pas un livre jeunesse (mais il peut être lu par les grand·es ados), c’est une BD que Mélaka (dont on vous conseille Mazette, un magazine satirique en ligne que vous pouvez découvrir ici), la fille de Gudule, a co-signé avec elle. Elle y raconte les deux dernières années de sa mère, scènes de vie qu’elle entrecoupe de grands moments de solitude (anecdotes de sa vie que Gudule avait racontées sur son blog et dans un livre). Magnifique BD où l’on alterne donc les éclats de rire et les sanglots. Car Mélaka illustre à merveille ces petites scènes désopilantes que racontait Gudule (ses gaffes mémorables), tout autant que le quotidien d’une personne en fin de vie et de sa famille qui accompagne cette période difficile. C’est une BD poignante, drôle, forte… que je conseille autour de moi dès que j’en ai l’occasion depuis que je l’ai lue (et je l’ai relue pour cette chronique, j’ai pris la même claque). À lire absolument, donc.
Gabriel
Quelques liens :
- D’autres livres de Gudule qu’on a chroniqués dont vous pouvez trouver les chroniques en accès libre : Les mille et une nuits, 40 histoires pour les tout-petits, Fées et princesses et Contes et légendes de l’amour.
- Gudule a été notre invitée du mercredi par trois fois, on vous invite à relire son interview, son coup de cœur et coup de gueule et sa réponse à notre question Peut-on tout écrire dans un livre pour enfants ?.
- On vous invite aussi fortement à lire notre page hommage à Gudule, publiée au moment de sa disparition avec des témoignages d’autrices et de lecteurs et lectrices.
- Le super blog de Gudule, où elle racontait, entre autres, ses hilarants grands moments de solitude.
- Un site sur Gudule.
- Une interview par Thierry Lenain sur le site Citrouille.
- Mazette, « magazine de BD numérique libre et sans pub, satirique, écologique et drôlatique », créé par Mélaka.
L’amour en chaussettes de Gudule Thierry Magnier 9,90 €, 140×220 mm, 104 pages, imprimé en France, 1999. |
Pas facile d’être un chevalier de Gudule, illustré par Claude K. Dubois Mijade, dans la collection Passerelle 6 €, 145×210 mm, 40 pages, imprimé en Belgique, 2020. |
Les folles histoires de Gudule, illustré par Claude K. Dubois Mijade, dans la collection Passerelle 10 €, 145×210 mm, 130 pages, imprimé en Belgique, 2020. |
La bibliothécaire Texte de Gudule, lu par Thomas Solivéres Audiolib 14 €, 200 min. env., 2017. |
Crime City de Gudule Mijade, dans la collection Zone J 7 €, 125×180 mm, 219 pages, imprimé en Belgique, 2019. |
Étrangère au paradis de Gudule Grasset, dans la collection Lampe de poche 7,50 €, 130×180 mm, 151 pages, imprimé en France, 2004. |
Après vous monsieur de La Fontaine – Contrefables de Gudule Le Livre de Poche Jeunesse 4,90 €, 128×178 mm, 93 pages, imprimé en Espagne, 2003. |
La vie à reculons de Gudule Le Livre de Poche Jeunesse 4,95 €, 125×178 mm, 192 pages, imprimé en Espagne, 2020. |
L’école qui n’existait pas de Gudule PKJ 5,50 €, 110×175 mm, 86 pages, 2003. |
Zoé contre Zoé de Gudule Le livre de poche, dans la collection Zoé la trouille 5 €, 180×130 mm, 123 pages, 2002. |
Barbès Blues de Gudule Le Livre de Poche jeunesse 4,95 €, 125×178 mm, 126 pages, imprimé en Espagne, 2015. |
Sous les bouclettes de Mélaka et Gudule Delcourt 18,95 €, 165×230 mm, 240 pages, imprimé en France, 2018. |
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !