Pour la sixième année, cet été encore, on vous propose une rubrique que vous aimez beaucoup (et nous aussi !), Du berger à la bergère. Tous les mercredis jusqu’à la rentrée, ce sont des auteur·trices et des illustrateur·trices qui posent trois questions à une personne de leur choix. Puis c’est à l’interviewé·e de poser trois questions à son tour à son intervieweur·euse d’un jour. Après Elsa Oriol et Marie Sellier, Gaël Aymon et Sandrine Beau, Isabelle Wlodarczyk et Aline Pallaro Lacroix, cette semaine c’est au tour de Bruno Pilorget qui a choisi de poser ses questions à Véronique Massenot.
Bruno Pilorget : Après l’écriture de romans et d’albums, l’illustration, le carnet de voyage, le théâtre, la traduction, la presse, as-tu un autre univers à explorer bientôt ?
Véronique Massenot : (Rire) Je vois que tu m’as bien cernée, cher Bruno ! Eh bien… oui ! La danse ! Attention, comme pour le théâtre, l’idée n’est pas de monter moi-même sur scène. Mais, pendant le 3e confinement, avec une amie danseuse et chorégraphe, nous avons enfin pris le temps de réaliser un rêve commun : concevoir des « ateliers dansés -dessinés » à animer en duo à partir de mes albums parus dans la collection Pont des Arts chez L’Élan Vert. Nous avons imaginé ensemble une formule qui mêle expressions corporelle et plastique en même temps que littérature et musique. C’est donc une offre artistique très riche ! Par chance, nous avons pu en « tester » deux presque aussitôt : le premier autour de Frida Kahlo avec le public des Plateaux Sauvages (Paris 20e) et le second autour de Matisse avec deux classes de Maternelle. Nous avons hâte d’en animer d’autres — notamment celui que nous avons imaginé à partir de La Grande Vague ! 😉
Bruno Pilorget : La musique a une grande importance pour toi, aurais-tu aimé jouer dans un groupe de musique, pourrais-tu nous dire ce que tu écoutes toujours de tes découvertes musicales du temps du lycée et ce que tu aimes en ce moment ?
Véronique Massenot : C’est vrai, j’adore la musique. Mais, non, je n’ai jamais rêvé de faire partie d’un groupe. Enfin, pas dans le sens « groupe de rock » si c’est ce à quoi tu penses. Parce qu’autrement, si, j’ai eu la chance de faire partie de deux chœurs classiques et j’ai adoré ça. Chanter me fait un bien fou, plus encore au milieu des autres. J’aime cette sensation incroyable d’être une toute petite pièce d’un immense puzzle sonore.
D’ailleurs, pendant le premier confinement, avec nos voisins, nous avons monté une chorale de rue. Chaque samedi soir après les applaudissements de 20 h, nous faisions une reprise de chanson française (Dutronc, Christophe, Balavoine, etc.) en adaptant les paroles à l’actualité. Nous nous sommes beaucoup amusés ! Nous avons désormais notre hymne : La Chanson des Voisins, dont j’ai écrit les paroles. 😉
Aujourd’hui, j’écoute toujours avec plaisir la musique de mon adolescence (The Cure, Dépêche Mode, New Order, Police…) mais beaucoup moins souvent qu’avant. Parfois, je travaille en musique : lorsque j’ai besoin de m’isoler dans une bulle, je mets soit du classique (Mozart, Fauré, Debussy, Satie…) soit les bandes originales des films de Wong Kar Waï (In the Mood for Love, Happy together, Chunking Express, 2046…) soit des concerts d’Archive, Muse ou Queen — que je connais par cœur. En ce moment, je me suis remise à la course, alors j’écoute ma petite playlist sur mesure, avec des hits ultras rythmés genre Black Eyed Peas, Daft Punk, Deee-Lite, Lykke Li ou des trucs bien lourds de Kerry James ou Joey Star. Bref, j’écoute des choses très différentes : ça dépend du moment, de l’humeur, de l’usage…
Bruno Pilorget : Quels sont Le spectacle et Le concert qui t’ont le plus marquée ?
Véronique Massenot : Côté théâtre, j’ai été très marquée dans mon enfance par les spectacles d’Ariane Mnouchkine à la Cartoucherie de Vincennes, où ma mère m’emmenait en sortie scolaire en même temps que ses élèves. Pareil pour ceux de Peter Brook aux Bouffes du Nord. J’en garde une impression très forte, de beauté grave et puissante.
Côté concert, Jacques (mon mari) est un dingue de musique, alors on y va pas mal. Enfin, on y allait… (!) C’est donc assez difficile de répondre. Je pourrais te citer pêle-mêle Jacques Higelin, Nick Cave, Neil Young, Keny Arkana, Vincent Delerm, Fauve, MAP, Jean-Louis Murat, Zebda, Ibrahim Maalouf, Azaf Avidan ou Jabberwocky — concert où nous étions les doyens de la salle. 😛 Ah non, je sais ! Le concert de clôture des Solidays 2013 par David Guetta. Un gros gros délire. Le spectacle, en fait, c’était nous, le public ! 30 000 personnes qui chantent à l’unisson et dansent et sautent en l’air toutes en même temps… c’était tellement joyeux ! (Je crois que la chaleur humaine me manque gravement… Merci de m’y avoir fait repenser ! ♥)
Mais, maintenant… c’est mon tour de t’interroger, mon cher Bruno. Voici mes questions :
Véronique Massenot : Je sais que tu travailles sur des projets de livres personnels, certains élaborés à deux, avec Véronique Chéneau, ta femme autrice et illustratrice. Ou peut-être avec vos fils, tous les deux artistes également ! Alors… Que nous prépares-tu de nouveau ?
Bruno Pilorget : J’ai envoyé à quelques éditeurs un projet tout perso, pour une histoire où on ne m’attend pas du tout. Pour des lecteurs plus jeunes que d’habitude. Comme beaucoup d’illustrateurs, j’ai toujours des petits carnets remplis de dessins. Pendant le premier confinement, j’ai extrait l’un de ces personnages pour le glisser dans un univers géographique qui me fait rêver, et de là, une histoire s’est composée au fur et à mesure, avec très peu de texte. Quel plaisir ! Une fois finie, je l’ai confié aux trois personnes les plus sûres à mes yeux pour leur analyse et leur franchise. Ma femme autrice-illustratrice, et mes deux garçons créateurs dont l’activité principale est le cinéma d’animation. L’amie de mon aîné, qui travaille elle aussi dans le même domaine, s’est jointe à la critique. Leur retour m’a encouragé et aidé à réaliser quelques petites modifs bien vues. Après avoir dessiné pour plus de cent cinquante ouvrages, ce serait une belle nouvelle pour moi si un éditeur désirait ce premier projet tout perso.
D’autre part, je viens de participer à un album de Véronique Chéneau, ma femme. Il s’agit des 3 petits mignons, le conte des 3 petits cochons détourné, publié chez Locus Solus. Véronique l’a écrit et dessiné, nous avons repris ensemble le chemin de fer, et enfin j’ai retravaillé les dessins par endroits pour être à l’aise dans la réalisation des couleurs. Un travail d’équipe que nous avons appris à maîtriser en créant quatre albums ensemble.
Je n’ai pas de projets pour l’instant avec mes garçons, mais ils ont déjà participé plus jeunes à quelques-unes de nos publications.
Véronique Massenot : J’ai très envie de te retourner ta question sur la musique, d’autant que je te sais encore plus mélomane que moi. D’ailleurs, tu aurais pu monter un groupe de rock, non ?
Bruno Pilorget : Oui Véro, j’ai beaucoup fantasmé de jouer dans un groupe pop-rock, mais je n’ai jamais été musicien, les histoires et le dessin ont finalement pris la place. Mais la musique a toujours autant d’importance. J’adore regarder des documentaires sur des chanteurs ou groupes mythiques. Quand je dessine, la zik me porte, je la choisis en fonction de ce que je suis en train de faire. Et comme j’écoute aussi les bonnes ondes, je connais ce qui se fait aujourd’hui, je ne campe surtout pas comme les vieux cons sur la « musique de leur époque ».
Véronique Massenot : Et toi, quels sont Le spectacle et Le concert qui t’ont le plus marqué ?
Bruno Pilorget : « Moi, enfant, toujours ». Telle est la devise du clown russe Slava, et du coup sa poésie me retourne. A retourné toute la famille et les amis !
L’émotion intense, je peux la ressentir avec un Slava, mais aussi bien sûr avec la littérature, la musique, le cinéma, la peinture, et les spectacles de cirque tels le Cirque Plume ou Archaos.
Mes deux concerts les plus marquants, c’était Bruce Springsteen à mon grand étonnement les deux fois, car ce n’était pas mon musicien sur le podium à l’écoute des disques. Cet homme a une telle énergie et générosité, une telle puissance sur scène !
Je pense partager largement avec celles et ceux qui ont eu la chance de le voir et l’entendre.
Bibliographie sélective de Bruno Pilorget :
- Dehors, dehors, dehors !, illustration d’un texte d’Hubert Ben Kemoun, Rue du monde (2021).
- Messaoud, illustration d’un texte de Didier Dufresne, Mango Jeunesse (2021).
- Les 3 petits mignons, illustration d’un texte de Véronique Chéneau, Locus Solus (2020).
- Les dessins de Claire, illustration d’un texte de Véronique Massenot, L’élan vert (2020), que nous avons chroniqué ici.
- 36 grains de riz, le grand voyage de Koïchi, illustration d’un texte de Mapi, L’élan vert (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Les enfants de l’espoir, illustration d’un texte d’Annick de Giry, Les éditions des éléphants (2016).
- Monsieur Chocolat, illustration d’un texte de Bénédicte Rivière, Rue du monde (2016).
- Au pays des vents si chauds, illustration d’un texte de Séverine Vidal, L’élan Vert (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Salaam Palestine ! Carnet de voyage en Terre d’Humanité, illustration d’un texte de Véronique Massenot avec Marc Abel, La boîte à bulles (2013).
- L’enfant aux pistolets, illustration d’un texte de Michel Séonnet, L’élan Vert (2012).
- Sœur blanche, sœur noire, illustration d’un texte d’Yves Pinguilly, Rue du Monde (2011).
- La grande vague, illustration d’un texte de Véronique Massenot, L’élan Vert (2010).
- Les Sages Apalants, illustration d’un texte de Marie-Sabine Roger, Sarbacane (2008).
- Le roi Cheval, illustration d’un texte d’Évelyne Brisou-Pellen, Millefeuille (2008), que nous avons chroniqué ici.
Retrouvez Bruno Pilorget sur son site : http://www.bruno-pilorget.com.
Bibliographie sélective de Véronique Massenot :
- Binti la Bavarde, illustré par Sébastien Chebret, L’élan Vert (2021).
- Ce matin-là, illustré par Stéphane Nicolet, Nathan (2021).
- Hanuman Super Singe, illustré par Fabrice Leoszewski, L’élan Vert (2021).
- Des pinceaux pour Frida, illustré par Élise Mansot, L’élan Vert (2021).
- Les dessins de Claire, illustré par Bruno Pilorget, L’élan vert (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Vie de fourmi, illustré par Magali Clavelet, L’élan Vert (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Le Géant qui rêvait, illustré par Peggy Nille, L’élan Vert (2016).
- Tizan et l’Arbre à Bonbons, illustré par Sébastien Chebret, L’élan Vert (2016).
- À l’eau, la Baleine !, illustré par Peggy Nille, L’élan Vert (2016).
- La Perruche et la Sirène, illustré par Vanessa Hié, L’élan Vert (2015).
- Merci Facteur !, illustré par Isabelle Charly, L’élan Vert (2015).
- À Plume, à Poil et à Paillettes !, illustré par Peggy Nille, Gautier Languereau (2014).
- Salaam Palestine ! [Carnet de Voyage en Terre d’Humanité], avec Marc Abel et Bruno Pilorget, La Boîte à Bulles (2013).
- Hansel & Gretel, illustré par Xavière Devos, L’élan Vert (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Les Trois Musiciens, illustré par Vanessa Hié, L’élan Vert (2011).
- Au Jardin de mon Cœur, illustré par Kim Hee-yeon, Flammarion (2010).
- Grand Ménage de Printemps, illustré par Lucie Minn, Gulf Stream (2007), que nous avons chroniqué ici.
Le site de Véronique Massenot : http://veroniquemassenot.net.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !