Cet été encore, on vous propose une rubrique que vous aimez beaucoup (et nous aussi !), Du berger à la bergère. Tous les mercredis jusqu’à la rentrée, ce sont des auteur·trice·s et des illustrateur·trice·s qui posent trois questions à une personne de leur choix. Puis c’est à l’interviewé·e de poser trois questions à son tour à son intervieweur·euse d’un jour. Après Martine Delerm et Jean Claverie, Thomas Scotto et Françoiz Breut, Muriel Zürcher et Stéphane Nicolet cette semaine c’est Mathias Friman qui a choisi de poser des questions à May Angeli !
Mathias Friman : Quelles sont les raisons, les rencontres qui t’ont amenées aux livres jeunesse ?
May Angeli : J’ai toujours su qu’un jour je ferai des livres.
Dans ma famille paternelle on racontait beaucoup d’histoires. Tout le monde travaillait dans le cinéma et tous avaient des origines étrangères. Ma grand-mère nous parlait des bals de sa jeunesse à Vienne, mon père de balades dans les Tatras et ma mère avait un répertoire de chansons gigantesque.
J’ai passé ma petite enfance dans un village pendant la guerre. La nature était notre survie et nourrissait mon imaginaire.
Mathias Friman : Quel est le meilleur souvenir de ta vie professionnelle ?
May Angeli : Le grand moment ! C’est le jour où Régine Lilensten, fondatrice des éditions du Sorbier, m’a proposé d’illustrer les « Histoires comme ça » en gravure sur bois.
Mathias Friman : Dans ta bibliothèque, quel livre jeunesse, aurais-tu aimé illustrer ou écrire ?
May Angeli : J’aurais aimé écrire et illustrer « Le singe à Buffon ».
May Angeli : Pourquoi tes animaux sont-ils très souvent de profil ?
Mathias Friman : May, mes animaux sont très souvent de profil, car je ne sais pas dessiner les animaux de face…
Non sérieusement, il y a deux raisons. La première c’est qu’un animal de profil est plus facile à reconnaitre ou à identifier pour les enfants (comme une silhouette), qu’un animal en vue de face (à de très rares exceptions).
La deuxième et qui me semble importante pour moi, c’est que lorsque je raconte une histoire, je pense à l’enfant qui va l’écouter. Et j’aime dans ma narration que l’enfant soit un spectateur, l’observateur de cette nature que je raconte dans mes livres.
Pour l’aider à être ce spectateur, il doit être détaché de l’action et avoir la possibilité d’observer tranquillement l’image (ce qui n’est pas possible avec un animal vu de face).
Dans mon dernier livre, D’un grand loup rouge, à un moment l’enfant n’est plus spectateur, il prend la place de l’animal et devient acteur. Pour accentuer son empathie, l’image lui fait face. L’enfant est alors les yeux dans les yeux avec le loup et sa propre réflexion.
May Angeli : Quel animal as-tu choisi pour un nouvel album pendant le confinement ? (J’ai vu à la TV un jeune sanglier en balade nocturne sur la promenade des Anglais…)
Mathias Friman : Le confinement, m’a été d’une grande aide et d’une belle source d’inspiration pour l’illustration de mon prochain album. Un album qui parle d’une petite chenille qui se sent à l’étroit dans son œuf, elle a besoin d’explorer le monde qui l’entoure et découvrir qui elle est. Et comme toute chenille, pour devenir papillon, elle doit s’enfermer à l’étroit dans une chrysalide.
Pendant ce confinement, mon appartement et surtout ma table de travail ont été le véritable cocon de cet album. Il en est sorti des dessins que je ne pensais pas pouvoir faire, avec encore plus de détails, plus de choses à cacher. C’est un album qui en plus de l’histoire principale, raconte mille et une choses annexes pour faire comprendre je l’espère aux enfants, ce monde qui nous entoure.
Mais, ce confinement, m’a aussi donné envie d’écrire de nouvelles histoires. De parler de la nature, de l’homme et de toutes les conséquences de son aveuglement. La nature lors de ces deux mois, nous a montré que rien n’est irréversible (le bleu de la lagune de Venise est un bel exemple). Notre empreinte peut s’atténuer, voir disparaitre, si nous faisons un peu plus attention ensemble à notre planète et son écosystème. C’est ce message que je désire faire passer aux enfants et à leurs parents quand ils liront mes prochaines histoires : il n’est jamais trop tard.
May Angeli : Pourrais-tu me donner rendez-vous au prochain salon de Montreuil ?
Mathias Friman : Avec un énorme plaisir, j’aime beaucoup le salon de Montreuil et surtout je serais très heureux de te revoir. Montreuil, c’est le salon des retrouvailles avec les amis, et aussi de rencontres avec nos lecteurs et aussi les bibliothécaires qui sont ces jours-là, pour notre plus grand bonheur, nos plus grands fans.
Mille bises May et à très bientôt
Mathias
Bibliographie sélective de May Angeli :
- Le problème, un conte du Chat Perché, illustration d’un texte de Marcel Aymé, Les Éditions des Éléphants (à paraître le 20 août).
- L’éléphant, un conte du Chat Perché, illustration d’un texte de Marcel Aymé, Les Éditions des Éléphants (2019).
- L’ours et le canard, texte et illustrations, Les Éditions des Éléphants (2019).
- Les boîtes de peinture, un conte du Chat Perché, illustration d’un texte de Marcel Aymé, Les Éditions des Éléphants (2018).
- Caruso, texte et illustrations, Les Éditions des Éléphants (2018).
- Bêtes en devinette, texte et illustrations, Les Éditions des Éléphants (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Cache-cache, texte et illustrations, Les Éditions des Éléphants (2016).
- Rita la poule veut un bébé, texte et illustrations, Les Éditions des Éléphants (2017), que nous avons chroniqué ici.
- La flaque, texte et illustrations, Les Éditions des Éléphants (2015).
- L’école est fermée, vive la révolution, texte et illustrations, La joie de Lire (2015).
- Le lion et les trois buffles, illustration d’un texte de Moncef Dhouib, Seuil Jeunesse (2014).
- Des oiseaux, illustration d’un texte de Buffon, Thierry Magnier (2012).
- Petites mésaventures dans la nature, texte et illustrations, Seuil Jeunesse (2011).
- Histoires comme ça, illustration d’un texte de Rudyard Kipling, Le Sorbier (2008).
- Chat, texte et illustrations, Thierry Magnier (2001).
- Dis-moi, texte et illustrations, Le sorbier (1999).
Bibliographie de Mathias Friman :
- L’Azur, album, illustration d’un texte de Caroline Pellissier, Seuil Jeunesse (à paraître le 17 septembre).
- D’un grand loup rouge, album, texte et illustrations, Les Fourmis Rouges (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Le chat et la coccinelle, album, illustration d’un texte de Laurie Cohen, Le Diplodocus (2019).
- Découvre le monde — Animaux d’Afrique, documentaire, illustration d’un texte de Marie Nicolas, Hachette (2019).
- Découvre le monde — Géants des mers, documentaire, illustration d’un texte d’Elisabeth Le Cornec, Hachette (2019).
- Une histoire de loup, album, illustration d’un texte de Caroline Pellissier, Seuil Jeunesse (2019), que nous avons chroniqué ici.
- D’une petite graine verte, album, texte et illustrations, Les Fourmis Rouges (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Le voyage, album, illustration d’un texte de Caroline Pellissier, Seuil Jeunesse (2018).
- La grande question de Petit Caméléon, album, illustration d’un texte de Caroline Pellissier, Gautier-Languereau (2017).
- Déplidoc — Le géants des mers, documentaire, illustration d’un texte d’Elisabeth Le Cornec, Hachette (2017).
- D’une petite mouche bleue, album, texte et illustrations, Les Fourmis Rouges (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Domino nimos — Animaux d’Afrique, jeu, illustration, Hachette (2017).
- Déplidoc — Le géants des mers, documentaire, illustration d’un texte de Sabine Boccador, Hachette (2016).
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !