Pour la huitième année, cet été encore, on vous propose une rubrique que vous aimez beaucoup (et nous aussi !), Du berger à la bergère. Tous les mercredis jusqu’à la rentrée, ce sont des auteur·trices et des illustrateur·trices qui posent trois questions à une personne de leur choix. Puis c’est à l’interviewé·e de poser trois questions à son tour à son intervieweur·euse d’un jour. Après Catherine Louis et Bernard Friot, Irène Bonacina et Anne Crausaz, Claire Gaudriot et Maria Jalibert, Jérôme Peyrat et Gilles Baum, Anne Cortey et Fanny Chartres, cette semaine c’est Sophie Nanteuil qui a choisi de poser ses questions à Sophie Astrabie !
Avec Sophie, on se suit sur les réseaux, je suis une de ses lectrices. Un jour, elle me contacte, elle a entendu parler de moi et me propose un café. On est voisines, mais on ne le savait pas ! À la terrasse du café du quartier, on fait connaissance et on se pose nos questions en direct !
Un joli moment entre Sophie(s) !
Sophie Nanteuil : Comment on passe de l’écriture d’un roman adulte à celle d’un album jeunesse ?
Sophie Astrabie : C’est l’envie ! J’écris souvent des romans parce que je suis la lectrice qui a envie de lire ce que j’écris. J’ai des petites filles, j’avais envie, parce que je leur lisais des albums jeunesse, qu’elles aient accès à ce que je fais. Et pour cela, il fallait qu’elles lisent une histoire écrite pour les enfants.
Sophie Nanteuil : Il y a un grand point commun entre ton album (À la fenêtre, Glénat jeunesse, sortie 3 septembre) et un de tes romans (La somme de nos vies, J’ai lu), c’est que tes personnages principaux passent énormément de temps à leur fenêtre. C’est quoi cette fascination pour les fenêtres ?
Sophie Astrabie : Je pense que quelqu’un qui écrit observe beaucoup, ça va un peu de soi. À l’époque de la création du roman, j’habitais à Paris, je trouvais fascinants les beaux bâtiments. Je me demandais qui étaient les gens qui avaient les moyens de vivre là. J’imaginais leur vie. Je suis tombée sur cette phrase de Baudelaire : « Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte, ne voit jamais autant de choses que celui qui regarde une fenêtre fermée. » Quand j’ai voulu écrire un album, je me suis rendu compte que ce n’était pas facile d’écrire pour la jeunesse. Sans faire exprès, je suis allée chercher des choses dans la version adulte. Il y a certainement aussi un peu de confort dans tout ça. Je dis souvent qu’on écrit le roman qu’on est capable d’écrire au moment où on l’écrit. Pour l’album, je pense que c’est pareil… Je l’ai écrit avec ce petit support qui me rassurait, même si ce n’est pas du tout la même histoire.
L’amitié interposée sans se rencontrer, j’aimais beaucoup cette idée : imaginer qui sont les gens, ce qu’ils font, jouer ensemble en silence…
Sophie Nanteuil : Par rapport à tes romans, là, sur cet album, une illustratrice a mis en scène tes mots — les illustrations d’Aurélie Guillerey sont superbes. Qu’as-tu ressenti en voyant les premières images, en voyant tes personnages prendre vie et t’échapper un peu ?
Sophie Astrabie : Mon texte quand je le finis, il ne m’appartient plus, je suis spectatrice, très intéressée de savoir ce qu’on en fait.
Aurélie a créé un univers génial : elle a eu des super idées, malignes pour raconter des choses en plus, pour faire des clins d’œil aux parents aussi qui lisent l’album, elle a pensé à des détails que je n’avais pas imaginés. Il y a des mises en scène pas classiques, elle une vraie patte, elle rend le texte hyper dynamique. C’est pas qu’une illustratrice, c’est une autrice-réalisatrice !
Sophie Astrabie : Si on regarde l’ensemble de tes œuvres, c’est très éclectique. Des supports différents, des thèmes différents, des tranches d’âge différentes. Qu’est-ce qui te guide ?
Sophie Nanteuil : J’ai deux casquettes, je suis à la fois autrice et éditrice. Mon expérience d’éditrice me permet de savoir quel sujet a déjà été exploité et de quelle manière il l’a été. Le fait d’être aussi autrice m’offre la liberté de suivre mes envies en connaissance de cause. Mes envies en tant que mère, en tant que femme, etc. Je fais certaines choses par engagement (l’identité LGBT, le harcèlement, les dangers d’Internet) et d’autres par pur plaisir.
Sophie Astrabie : Quel est ton livre qui te tient le plus à cœur ?
Sophie Nanteuil : Je suis qui ? Je suis quoi conçu et écrit par Jean-Michel Billioud, qui est le livre qui a changé ma vie professionnelle. Avant cela, j’étais « juste » éditrice, je faisais uniquement de la fiction. Ce livre, c’est un documentaire sur les questions d’identité de genre et jusque-là, il n’en existait pas pour cette tranche d’âge. Aujourd’hui, je sais que c’est l’un des livres les plus volés des CDI. J’en suis très fière car c’est bien qu’il répond à un besoin très fort. Mais c’est à la fois inquiétant car les enfants se cachent encore…
Après ce livre je me suis dit qu’il fallait que je prête mon stylo à ceux qui ne savaient pas utiliser leur stylo et dont on n’entendait pas toujours la voix. Ce que je fais désormais en livres pratiques.
Sophie Astrabie : Quel est le livre que tu rêves d’écrire ?
Sophie Nanteuil : J’adorerais faire un album illustré par Aurélie Guillerey !
Bibliographie sélective de Sophie Nanteuil
- Parents médicalement assistés. Parcours PMA, GPA, ROPA, solo ou à deux, essai, Hachette Pratique (2023).
- Ma petite encyclopédie Père Castor, album illustré par Madeleine Brunelet, Père Castor (2023).
- 10 idées reçues sur Internet. Et comment les décrypter pour être mieux connecté, co-écrit avec Camille Bonneau, illustré par Zelda Zonk, Glénat (2022), que nous avons chroniqué ici.
- Histoires de coming-out, co-écrit avec Baptiste Beaulieu, Albin Michel (2021).
- Mon imagier pour signer avec bébé, illustré par Sang Mi Cha, Larousse (2022).
- Série Louca, co-écrite avec Marie Euverte, illustrée par Bruno Dequier, Rageot (4 tomes, 2021-2022).
- Corps, amour, sexualité. Les 100 questions que vos enfants vont vous poser, accompagnement, écrit par Charline Vermont, Albin Michel Jeunesse (2021).
- Combattre pour être soi. Les conseils d’une championne, accompagnement, écrit par Clarisse Agbégnénou, illustré par Oriol Vidal, Rageot (2021).
- Série Tourne la roue et dessine !, illustrée par Zelda Zonk et Éric Veillé, Larousse (2019).
- Je suis qui ? Je suis quoi ?, conception, écrit par Jean-Michel Billioud, illustré par Zelda Zonk et Terkel Risbjerg, Casterman (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Croire en ses rêves !. Le journal d’une championne, accompagnement, écrit par Amandine Henry, Rageot (2019).
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Bibliographie sélective de Sophie Astrabie :
En jeunesse :
- À la fenêtre, album illustré par Aurélie Guillerey, Glénat jeunesse (à paraître en septembre).
- La laverie de Mamie Suzette, album illustré par Maureen Poignonec, Père Castor (à paraître en novembre).
En adulte :
- Journal de bord d’un joyeux bordel ! La vie de parents illustrée, essai illustré par Magalie Foutrier, Eyrolles (2023).
- À nos amies, nouvelles, collectif, Charleston (2023).
- Billie Pretty a disparu, roman, Flammarion (2023).
- Les bruits du souvenir, roman, Flammarion (2022).
- La somme de nos vies, roman, Flammarion (2020).
- Graines de héros, roman, collectif, Le Livre de Poche (2020).
- Le pacte d’avril, roman, Albin Michel (2018).
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Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
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