Pour la huitième année, cet été encore, on vous propose une rubrique que vous aimez beaucoup (et nous aussi !), Du berger à la bergère. Tous les mercredis jusqu’à la rentrée, ce sont des auteur·trices et des illustrateur·trices qui posent trois questions à une personne de leur choix. Puis c’est à l’interviewé·e de poser trois questions à son tour à son intervieweur·euse d’un jour. On commence ces mercredis de l’été avec Catherine Louis qui a choisi de poser ses questions à Bernard Friot !
Catherine Louis : Quand tu écris, tu as sûrement une image qui te vient ? Est-ce qu’au moment où tu découvres l’illustration de quelqu’un qui s’est approprié ton texte, est-ce que cette image disparaît aussi vite et comment accueilles-tu l’imaginaire de l’autre ?
Bernard Friot : Oui, j’ai des images quand j’écris, mais ce sont des images mentales, pas seulement visuelles. Ce sont des impressions, des ambiances, des fragments mouvants, des éclairages, et je suis le metteur en scène qui choisit tel ou tel élément pour le traduire en mots. C’est un travail très différent, je pense, de celui de l’illustrateur. Quand je vois donc les illustrations de mes textes, c’est un autre univers, une interprétation que j’accepte totalement, qui me fait découvrir une part invisible pour moi de ce que j’ai écrit. Qu’elles me plaisent ou pas n’a aucune importance, puisqu’elles ne sont pas faites pour moi, mais pour les lecteurs.
Catherine Louis : Si tu avais encore trois livres urgents à réaliser, lesquels seraient-ils et pourquoi ?
Bernard Friot : Les projets que j’ai en ce moment, même s’ils ne sont pas planifiés : un essai sur la lecture et les lecteurs/lectrices, où je veux donner la parole aux milliers de jeunes lecteurs que j’ai rencontrés et faire comprendre aux médiateurs qu’il faut construire les actions de médiation avec les lecteurs (et non comme souvent contre eux/elles !). Puis un « Manuel de désobéissance orthographique », un livre d’activités pour découvrir l’orthographe autrement. J’aime beaucoup le titre ! Enfin, une parodie de roman pour adolescents… J’ai déjà la trame mais je la garde pour moi !
Catherine Louis : Comme auteur, as-tu parfois rêvé ou imaginé que tu pourrais t’amuser à réaliser les images qui accompagnent ton texte ?
Bernard Friot : Non ! J’ai un blocage complet avec le dessin et l’illustration. Je le regrette, mais c’est ainsi. Un blocage né d’expériences négatives, notamment à l’école, et qui m’aide à comprendre ceux qui sont bloqués par l’écriture.
Bernard Friot : Quand tu travailles, qui parle : les mains ou la tête ?
Catherine Louis : Je pense que les deux sont liés. Il y a souvent les mains qui ont besoin de faire pour toujours expérimenter et me surprendre, et la tête parfois m’empêche d’avancer car la tête doute plus que mes mains ! Mes mains sont géniales… Ma tête est un peu plus compliquée !
Bernard Friot : Quand je vois les images d’un illustrateur/d’une illustratrice, notamment les personnages qu’il/elle dessine, je trouve toujours une ressemblance entre les images et la personne de l’illustrateur/trice. Comment cela peut-il s’expliquer ?
Catherine Louis : Oui, je trouve aussi. J’ai plus de peine à le voir chez moi. Mais je trouve que mes filles et ma petite Colette ressemblent souvent à mes personnages.
Comment l’expliquer ? La position, l’attitude corporelle, on doit les ressentir pour les dessiner. Au début il m’arrivait souvent de mimer une position pour moi pour réussir à mieux la croquer.
Mes personnages avaient souvent les cheveux en pétard et les gens trouvaient qu’ils me ressemblaient ! Moi avec mes cheveux tout raides !
Bernard Friot : Est-ce que tu te racontes des histoires en dessinant ? Est-ce que tu entends des mots ?
Catherine Louis : Des histoires, oui, tout le temps. Les mots, c’est plus difficile. Les mots, j’y pense après, la nuit quand je ne dors pas, j’évite d’écrire car j’ai peur de ne pas trouver les bons mots. Puis, à force d’y penser, je peux écrire très rapidement. Mais comme tu le sais, écrire pour moi est une épreuve !
J’ai toujours été mal jugée à l’école car j’étais nulle en orthographe ! J’aurais dû avoir un professeur comme toi ! Car les textes que j’ai écrits et que j’aime, tu m’as bien aidé à les simplifier et à trouver la bonne mélodie ! Mais c’est vraiment ce que j’ai envie de faire ces prochaines années !
Bibliographie sélective de Catherine Louis :
- Série Colette, texte et illustrations, HongFei (5 tomes depuis 2021).
- Mémé jardin, illustration d’un texte de Véronique Deroide, Callicéphale (2021).
- Les mots sont des oiseaux, illustration d’un texte de Marie Sellier, HongFei (2021).
- Mô et le maître du temps, illustration d’un texte de Marie Sellier, Philippe Piquier (2018).
- Contes d’Orient, illustration d’un texte de Jihad Darwiche, Santimbanque (2018).
- Les moutons de la mer, illustration d’un texte de François David, Motus (2018).
- Le rat m’a dit…, illustration d’un texte de Marie Sellier, Philippe Piquier (2017).
- Mon imagier chinois, texte et illustrations, Philippe Piquier (2017).
- Le petit chaperon chinois, illustration d’un texte de Marie Sellier, Philippe Piquier (2017).
- Le jardin de madame Li, illustration d’un texte de Marie Sellier, Philippe Piquier (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Dragons & Dragon, illustration d’un texte de Marie Sellier, Philippe Piquier (2012), que nous avons chroniqué ici.
Son compte Instagram : https://www.instagram.com/catherinelouisillustration.
Bibliographie sélective de Bernard Friot :
- Paroles de baskets (et autres objets bavards), roman illustré par Charlotte Frereau, Milan (à paraître le 23 août).
- Les po-poèmes. 18 poésies en bande dessinée, album illustré par Bernadette Després, Bayard Jeunesse (2023).
- Série Histoires pressées, romans illustrés par Martin Jarrie, Milan (7 tomes depuis 2007).
- J’aime/J’déteste le collège, roman, Milan (2022).
- Un tableau trop bavard, roman illustré par Marie de Monti, Milan (2022).
- Pierre et le Loup. Suivi de Le Canard est toujours vivant !, album illustré par Amandine Laprun, Milan (2022).
- Histoires à jouer, roman illustré par Jacques Azam, Milan (2022).
- Un été de poésie, d’amour et de vie, roman, Milan (2018).
- Série Histoires minute, romans illustrés par divers illustateur·rices, Milan (6 tomes depuis 2004).
- Super manuel pour devenir un écrivain génial, roman, Flammarion jeunesse (2016).
- Moi je suis un cheval, album illustré par Gek Tessaro, La joie de lire (2016), que nous avons chroniqué ici.
- À la lettre. Un alphabet poétique, album illustré par Jean-François Martin, Milan (2016), que nous avons chroniqué ici.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
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