C’est une interview de l’autrice-illustratrice Adeline Ruel que je vous propose aujourd’hui, notamment autour de sa collection d’imagiers éditée par Père Castor. Ensuite, nous avons rendez-vous avec l’auteur Jean-Michel Billioud, qui vient de sortir Nelly Bly chez Gallimard jeunesse et Agir pour la planète chez Casterman, afin qu’il nous livre ses coups de cœur et coups de gueule.
L’interview du mercredi : Adeline Ruel
Vous avez sorti de nombreux imagiers chez Père Castor, comment est née cette série ?
Pour pouvoir raconter l’origine de cette série, il faut que je remonte un peu le temps !
Petite, j’ai eu la chance de grandir dans une maison avec jardin. Mon père s’occupait du potager et très tôt, j’ai su retourner la terre, semer des graines, planter des pommes de terre, et ressentir la joie de voir pousser tout cela jusqu’à la récolte. Le week-end, je m’empressais d’aller explorer la forêt aux alentours. Je pouvais passer de longues heures à observer les insectes, écouter les oiseaux, ramasser des feuilles ou cueillir des plantes pour constituer des herbiers en prenant soin d’identifier chaque espèce. J’ai même créé un « club nature » pour observer et protéger la nature. (J’étais en primaire au milieu des années 80, c’était encore la mode des « clubs »). J’ai aussi un oncle spécialisé en ornithologie qui travaille pour la conservation de la nature et de la faune sauvage. Lorsqu’il rentrait de ses voyages à l’autre bout du monde et que la famille se retrouvait, nous allions nous balader en forêts munis de jumelles, et essayions de reconnaître les différents oiseaux que nous pouvions rencontrer. Il imite leur sifflement à la perfection, c’est très impressionnant ! Grâce à mes parents et à ma famille, j’ai été initiée très jeune à l’observation et au respect de notre environnement.
Même si j’ai toujours aimé partager mes découvertes, le fait de devenir maman m’a vraiment fait prendre conscience de la capacité d’émerveillement total des jeunes enfants. Ils sont tellement réceptifs à tout ce qui les entoure ! Portée par ce désir de transmettre mon amour pour la nature, j’ai eu l’envie de m’adresser aussi bien à eux qu’à l’enfant qui est en nous. J’ai donc travaillé sur un principe d’imagier qui irait au-delà de la simple relation image-mot pour pouvoir susciter aussi bien la curiosité du jeune auditeur que du lecteur et créer un véritable moment de partage.
C’est ainsi qu’est né mon concept d’imagier-documentaire. La première version du projet était composée d’une douzaine d’insectes. Je n’osais espérer pouvoir développer une collection, c’est un risque que peu d’éditeurs prennent, mais en envoyant mon projet, j’ai tout de même précisé que si le concept leur plaisait, je me ferais une joie de décliner ce principe autour des oiseaux.
J’ai alors eu la chance de recevoir un très bel accueil des éditions Flammarion Père Castor. Mon éditrice a eu un vrai coup de cœur pour mon travail ! Coup de cœur partagé pour cette maison d’édition dont les livres ont bercés mon enfance. Ils ont cru en moi et m’ont offert l’immense joie de développer cette jolie collection intitulée « Mon imagier nature ».
Faites-vous des recherches pour ces livres ?
Oui énormément ! En fait, je passe un temps fou à me documenter et à recouper mes recherches pour pouvoir trouver les éléments que j’ai envie de mettre en avant. La difficulté est de sélectionner des informations qui soient compréhensibles par les jeunes enfants et interpellent les plus grands. J’essaye de sortir un peu des sentiers battus même si certaines notions sont forcément incontournables.
C’est un travail vraiment passionnant qui passe aussi bien par la lecture de nombreux articles ou livres que par des phases d’observations pour trouver la meilleure façon de l’expliquer et de représenter l’objet de mon étude.
Et quand j’ai un doute sur certains points, je n’hésite pas à solliciter des spécialistes. Lorsque j’ai travaillé sur mon jeu de Dominos décliné de mon livre Les oiseaux de mon jardin, je me suis adressée à la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux). Je cherchais à représenter, en taille réelle, les œufs de certains oiseaux et les infos trouvées lors de mes recherches n’étaient pas assez claires. Ils ont été enchanté de pouvoir m’aider, j’étais alors certaine de pouvoir faire des représentations scientifiquement correctes. C’est vraiment un point essentiel pour moi.
Comment choisissez-vous les thèmes ?
J’ai commencé par les insectes car ils m’ont toujours fascinée. Aux Beaux-Arts, j’avais déjà amorcé quelques projets en mêlant une approche artistique et scientifique. Je suis très contente d’avoir pu développer mon concept en commençant par ces petites bêtes captivantes !
Pour les oiseaux, le choix était aussi assez simple et évident au vu de mon histoire familiale. Et c’est également un thème très important (même si tous les thèmes autour de la nature le sont !) et essentiel pour les enfants ET leurs parents. Car peu connaissent ou reconnaissent les oiseaux. Et pour pouvoir préserver et protéger une espèce cela passe d’abord par l’observation et la connaissance.
Ensuite, pour les autres thématiques : fruits, fleurs, légumes, petits animaux… j’ai suivi mes envies en accord avec mon éditrice. L’idée étant à chaque fois en partant de thématiques accessibles de pouvoir créer un sentiment d’étonnement et de ravissement.
Quelles techniques d’illustrations utilisez-vous ?
Tout dépend du projet. J’aime utiliser plusieurs techniques et travailler aussi bien en numérique qu’en traditionnel et mêler les deux. Le choix est déterminé par mon envie du moment, la thématique abordée, le type de rendu souhaité.
Dans C’est à moi ! sorti chez D’eux, je raconte une histoire de castors (ce sont mes chouchous ces castors têtus ;) ). Il me paraissait évident de l’illustrer en utilisant une technique qui fasse référence au bois. Je suis partie sur des tonalités sombres, épurées et j’ai travaillé les textures en associant peinture acrylique et technique du papier déchiré et découpé. J’aime beaucoup ce procédé qui permet d’avoir des rendus vraiment très intéressants. J’ai adoré l’utiliser pour illustrer un abécédaire de contes dans Il était une fois… de A à Z paru chez l’Atelier des Noyers.
J’aime aussi beaucoup travailler aux pastels secs. Je crois que l’envie m’est venue en regardant le film Mary Poppins quand j’étais petite. Dessiner des paysages dans lesquels on peut plonger dedans, c’est tellement magique ! Malheureusement, c’est une technique trop volatile et les couleurs ont tendance à ternir quand on les fixe. J’ai cependant trouvé un brush (pinceau numérique) qui reproduit un peu cet effet pastel, c’est ce que j’utilise pour réaliser mes illustrations numériques et notamment celles de mes livres chez Flammarion Père Castor. Je travaille sur tablette graphique et plus récemment sur I-pad ce qui me permet de me rapprocher du vrai geste de la craie.
Sur ces albums, tout comme sur C’est à moi sorti chez D’eux, vous travaillez en solo, c’est le format que vous préférez ou vous aimez aussi illustrer les mots d’autres, comme vous l’avez fait régulièrement ?
C’est vrai que j’apprécie particulièrement le fait de développer mes propres projets. Cela me permet de travailler à mon rythme, de peaufiner le rapport texte/image, le rythme de l’histoire au fil des pages, de concevoir l’album comme un tout. Souvent, je vais jusqu’à choisir la typographie.
Mais j’aime également me confronter à d’autres univers. Lorsqu’on trouve un bon binôme, c’est très motivant de travailler sur un projet commun. Il en résulte des choses inattendues. On s’inspire mutuellement.
Cette rencontre entre deux univers créatifs, c’est ce qui motive L’Atelier des Noyers. J’ai ainsi illustré des fables écologiques avec l’auteur Olivier Delbard. Pour Le temps du rêve, nous avons procédé d’une façon très originale. Après avoir échangé sur ce que nous voulions aborder, j’ai commencé à réaliser des illustrations dont il s’est servi pour construire le récit. Cela a apporté une dimension supplémentaire à l’histoire que j’avais imaginée en peignant. Pour Le dernier voyage du Grand Elfe, nous avons créé de façon plus « classique ». Olivier m’a embarqué sur les traces de Gandalf. J’ai réalisé des cartes pour faire voyager le lecteur à travers l’espace, le temps et l’imaginaire.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Tout ce qui me fait rêver, réfléchir et m’interroger ! J’adore apprendre et découvrir de nouvelles choses ! J’aime beaucoup le mélange Art et Science, les mythes et légendes, les récits d’explorateurs et les carnets de voyage, les sciences naturelles, la science-fiction et la littérature fantastique, l’aventure spatiale, l’éthologie, les univers virtuels et le rapport de l’homme avec la nature, sa vision de lui-même et la perception de son environnement…
Voyager aussi est indispensable, changer d’air, voir de nouveaux horizons. Il n’y a rien de mieux qu’une balade dans la nature, de préférence au milieu des rochers en bord de mer, pour nourrir mon imaginaire ! Et la musique est essentielle ! Quand j’écris ou quand je dessine, j’ai besoin d’écouter de la musique exclusivement instrumentale. Cela me permet de me concentrer pleinement. Selon le projet, j’ai une sorte de « bande son » pour accompagner mon processus créatif.
Et pour recentrer sur certains livres en particulier, je me suis inspirée pour Le dernier voyage du Grand Elfe des anciennes cartes réalisées par les premiers cartographes et évidemment de celles créées par Tolkien. Pour ma collection Mon imagier nature, je m’inspire de l’ambiance des vieilles affiches scolaires, des manuels anciens et des planches naturalistes de Buffon ou ornithologiques d’Audubon. Le côté vintage avec le souci du détail m’attire tout particulièrement.
Parlez-nous de votre parcours
J’ai toujours aimé dessiner et inventer des histoires. J’ai choisi d’entrer aux Beaux-Arts de Metz car il s’agissait alors d’une des rares écoles à proposer une formation multimédia. Et j’avais en tête de travailler dans le domaine des effets spéciaux… (non non les films de Georges Lucas et Steven Spielberg ne m’ont pas du tout influencés ;) ).
Ce n’était pas forcément le choix le plus facile car non spécialisé dans le domaine que je voulais, mais j’ai pu véritablement développer mon côté autodidacte et toucher à tout ! Pour mes diplômes (DNAP et DNSEP), j’ai travaillé sur des sujets personnels qui me passionnent et interroger notre rapport au virtuel, aux jeux vidéo et à l’intelligence artificielle à travers une sorte d’escape game avant l’heure puis un court-métrage avec des effets spéciaux combinant images réelles et avatar en 3D.
À l’issue de mes études, j’avais plusieurs idées en tête : réalisatrice de film, spécialiste des effets spéciaux, illustratrice animalière pour le CNRS, muséographe…
Mon premier job a été de participer à la conception muséographique d’un parc de dinosaure (j’avais l’impression de travailler pour Jurassic Park, c’était génial !). Pour financer le parc, nous avons travaillé sur une exposition pour laquelle j’ai réalisé des animations 3D de dinosaures pour des bornes interactives. Malheureusement le 11 septembre est arrivé et avec la mise en place du plan Vigipirate, toutes les sorties scolaires ont été annulées… Ce beau projet n’a pu aboutir.
Par la suite, j’ai continué de travailler dans l’univers ludo-éducatif (conception de DVD) et documentaire (animatrice 3D et compositing au sein du studio graphique de France 3 Nancy). Puis à la naissance de ma fille, j’ai replongé dans l’univers des livres pour enfants et j’ai quitté l’animation pour l’édition jeunesse. Pendant plus de onze ans, j’ai été directrice artistique et responsable de production, j’ai travaillé sur différents supports (romans, albums, CD et livres-CD), et j’ai eu le plaisir de développer et participer à l’édition de chouettes projets audio comme les Odyssées sonores (adaptation des contes d’Andersen) et de travailler avec des comédiens et musiciens talentueux comme Arthur H et Alexandre Astier.
Et puis finalement, j’ai pris mon envol, je suis maintenant auteure et illustratrice jeunesse. En parallèle, je suis aussi designer graphique et maquettiste free-lance pour des éditeurs jeunesse et scolaire.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
J’ai le souvenir très net que le premier livre que j’ai réussi à lire toute seule était L’apprenti schtroumpf de Peyo. On y voit déjà mon attrait pour les apprentis sorciers et la difficulté. Parce que commencer la lecture par les Schtroumpfs c’est carrément schtroumpf !
Ensuite, j’ai dévoré tous les livres de contes à ma portée, et je suis passée à la bibliothèque rose puis verte. J’aimais aussi beaucoup les bandes dessinées : Sylvain et Sylvette, les Schtroumfs, Yakari, Tintin, Marion Duval… J’étais abonnée à J’aime lire, Astrapi, Wapiti et à La Hulotte. À l’école, aucune littérature de l’imaginaire n’était proposée et c’était d’ailleurs plutôt mal vu. Le fait d’avoir choisi de résumer Sacré Sorcières de Roald Dahl pour un devoir de classe m’avait même valu une mauvaise note car la maîtresse n’avait rien compris à cette histoire « sans queue ni tête ». Mais cela n’a pas freiné mon appétit grandissant pour ce genre littéraire, au contraire !
Je n’avais pas dix ans quand j’ai plongé avec délice dans l’univers de Tolkien avec Bilbo le Hobbit et la trilogie du Seigneur des anneaux. Je me souviens avoir adoré Le monde de Narnia de C. S. Lewis et la trilogie des Tripodes de John Christopher inspiré de la Guerre des Mondes de H. G. Wells que j’ai lu un peu plus tard également ! Les livres dont vous êtes le héros étaient aussi mes livres de chevet.
J’ai enchaîné avec des classiques et incontournables de la littérature fantastique ou de sciences-fictions : H. P. Lovecraft, E. A. Poe, Isaac Asimov, Bram Stoker, George Orwell, Aldous Huxley, Philip K. Dick… ; lu tout les Rouletabille, les Sherlock Holmes et Arsène Lupin. J’ai eu un gros coup de cœur pour Les chroniques martiennes de Ray Bradbury (que je rêve d’adapter un jour !) et L’écume des jours de Boris Vian. Au niveau bandes dessinées, j’ai beaucoup aimé Thorgal de van Hamme et Rosinski et le concept original du héros qui vieillit au fil du temps ! Dans un autre registre, Les tuniques bleues de Cauvin et Lambil me faisaient mourir de rire. Puis il y a eu L’Incal de Moebius, les univers de Druillet, Bilal, Andréas, Schuiten, les vieux comics SF américains des années 50…
Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Sur plusieurs choses à la fois ! En fait, j’ai besoin de mener plusieurs projets en même temps, pour basculer d’un projet à l’autre et garder toujours la même énergie.
En ce moment j’avance sur un très bel album pour Flammarion-Père Castor qui sortira début 2022. Par ailleurs, je suis en train de concevoir avec l’auteur-réalisateur audio Pierre-François Renouf (réalisateur des Odyssées sonores dont j’ai parlé plus haut) un projet de série de Podcasts de science-fiction immersive et captivante. Nous avons fait des demandes de subventions, mais quoi qu’il en résulte, nous ferons appel à une campagne de financement participatif pour mener à bien et diffuser ce super projet !
Bibliographie sélective :
- Dominos Les oiseaux de mon jardin, jeu, Flammarion (2021).
- Mémo Les insectes de mon jardin, jeu, Flammarion (2021).
- Collection Mon imagier nature : Les petits animaux de mon jardin, Les légumes de mon jardin, Les fleurs de mon jardin, Les fruits de mon jardin, documentaires, textes et illustrations, Flammarion (2021).
- Le doudou du capitaine, album, illustration d’un texte de Stéphanie Clo, Circonflexe (2020).
- L’Imagier géant du Père Castor – La couleur des animaux, documentaire, texte et illustrations, Flammarion (2020).
- Les insectes de mon jardin, documentaire, texte et illustrations, Flammarion (2020).
- Les oiseaux de mon jardin, documentaire, texte et illustrations, Flammarion (2020).
- C’est à moi !, album, texte et illustrations, D’eux (2020).
- Le Gardien de la toute petite librairie, roman illustré par Antoine Brivet, Gulf Stream Éditeur (2020).
- Le Dernier Voyage du Grand Elfe, livre, illustration d’un texte d’Olivier Delbard, L’Atelier des Noyers (2020).
- L’Atelier des Z’expressions, livre, illustration d’un texte de Claire Delbard, L’Atelier des Noyers (2019).
- La toute petite librairie, roman illustré par Antoine Brivet, Gulf Stream Éditeur (2019).
- Au lit, mes poulettes !, album, illustration d’un texte de Didier Jean et Zad, Utopique (2019).
- Gros Ours jardine, album, texte et illustrations, Minedition (2017).
Retrouvez Adeline Ruel sur son site et sur son compte Instagram.
Le coup de cœur et le coup de gueule de… Jean-Michel Billioud
Régulièrement, une personnalité de l’édition jeunesse (auteur·trice, illustrateur·trice, éditeur·trice…) nous parle de deux choses qui lui tiennent à cœur. Une chose qui l’a touché·e, ému·e ou qui lui a tout simplement plu et sur laquelle il·elle veut mettre un coup de projecteur, et au contraire quelque chose qui l’a énervé·e. Cette semaine, c’est Jean-Michel Billioud qui nous livre ses coups de cœur et ses coups de gueule.
La fréquentation régulière des établissements scolaires offre à foison des occasions de s’emporter ! Il y a tant à dire sur le rapport à l’apprentissage, les moyens offerts aux professeurs, piliers de société totalement méprisés. D’autres sont bien mieux qualifiés que moi pour le faire. Mais pourquoi ne parle-t-on presque jamais de la forme de l’école ? Sa forme architecturale. Ses murs, ses espaces, le choix des implantations, son rapport avec l’évolution de la pédagogie, avec l’environnement, dans les deux sens du terme. Faut-il une cour végétalisée, des grands espaces pour se réunir, des alcôves pour discuter, s’apaiser ? Faut-il des banquettes dans les couloirs, du mobilier modulable pour travailler en groupe ou en solo ? Faut-il ouvrir la cour aux usagers extérieurs, partager la bibliothèque ou le terrain de hand avec les habitants du quartier ? Oui, oui, oui. Mille fois oui. En tout cas, il faut poser ces enjeux sur la table et échanger.
Depuis la loi Guizot de 1833, la présence d’un bâtiment dédié à l’enseignement est obligatoire dans toutes les communes françaises de plus de 500 habitants. 2021 moins 1833, cela fait si le compte est bon, 188 ans pour réfléchir au « bâti scolaire », à cette enveloppe qui sécurise et organise l’apprentissage en fonction des besoins de chacun. Or, le sujet « de la forme » n’a préoccupé et ne continue à préoccuper qu’une poignée d’architectes, quelques pédagogues et un nombre infinitésimal de politiques. Comment est-ce imaginable ? L’école n’est pas un bâtiment quelconque au sein de son quartier ou de sa commune. C’est le lieu des socialisations, des inclusions, le lieu de tous les espoirs, de tous les apprentissages. L’école est un extraordinaire « terreau d’initiative et de réinvention » comme le dit la designer Agathe Chiton. Alors mon coup de gueule va vers ceux dont la seule ambition est de livrer des établissements flambant neufs ou simplement ripolinés au moment du compte à rebours électoral. Un lieu que découvrent à la rentrée suivante les enseignants, les personnels, les élèves sans que leurs besoins en termes de pédagogie, de mixité, de santé, d’inclusion n’aient été pris en compte. L’école n’est pas un bâtiment que l’on impose. Il est insupportable que ce soit le cas dans 90 % des cas.
Naturellement mon coup de cœur va vers les 10 % restant, ceux qui prônent l’expérimentation et une démarche participative comme Ici, une association d’architectes de quartier à L’Île Saint-Denis, promotrice de la philosophie de la co-construction… Dans leurs projets de rénovation d’école, les élèves, les enseignants, les parents, tous ceux qui ont à faire de près ou de loin à l’établissement scolaire sont sollicités, consultés, interrogés. Ils expriment leurs besoins, ils échangent, ils réclament, ils négocient. À l’école Jean Lurçat de L’Île Saint-Denis, les élèves ont même mis la main à la pâte en jouant l’un des quatre rôles proposés. Les « enquêteurs » ont défini les besoins et testé les usages et idées, les « géomètres » ont mesuré les lieux et réalisé les maquettes de sites, les « architectes » ont imaginé un projet de rénovation du CDI et les « constructeurs » ont réalisé le chantier avec des professionnels du bâti ! Résultat ? La fréquentation de l’espace « bibliothèque » a explosé et les élèves en total décrochage scolaire se sont non seulement « appropriés » leur école mais ils ont repris confiance en eux. N’est-ce pas l’un si ce n’est le rôle majeur de l’école. Alors qu’avons-nous à risquer à « faire ensemble » ?
Une exposition itinérante, « Travaux d’école », a été imaginée par l’association Ici et la designer Agathe Chiron pour expliquer ces démarches avec beaucoup d’autres exemples et une humanité en barre.
Jean-Michel Billioud est auteur notamment de documentaires. Il vient de sortir deux albums, Nelly Bly chez Gallimard Jeunesse et Agir pour la planète chez Casterman.
Bibliographie sélective :
- Nelly Bly, documentaire illustré par Gabrielle Berger, Gallimard Jeunesse (2021).
- Agir pour la planète, documentaire illustré par Wouzit, Casterman (2021), que nous avons chroniqué ici.
- Simone Biles, documentaire illustré par Aurélie Guarino, Albin Michel Jeunesse (2021).
- L’ours tendre, album illustré par Marguerite Courtieu, Albin Michel Jeunesse (2021).
- Sports, 40 champions olympiques, documentaire illustré par Bonoh, Gallimard jeunesse (2021).
- Les combattants, documentaire illustré par Nicolas André, Casterman (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Je suis qui ? je suis quoi ?, documentaire co-écrit avec Sophie Nanteuil, illustré par Terkel Risbjerg et Zelda Zonk, Casterman (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Le capitaine au long cours, illustrations Pauline Martin, Gallimard jeunesse
- La Terre, une planète et des hommes, documentaire illustré par Julien Castanié, Gallimard Jeunesse (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Foot, 40 joueurs de légende, documentaire illustré par Almasty, Gallimard (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Paris au fil du temps, documentaire illustré par Simone Massoni, Gallimard Jeunesse (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Question ? Réponses ! Paris, documentaire illustré par Vincent Desplanche, Nathan (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Et si on découvrait… le monde, documentaire illustré par Claire Wortemann, Deux coqs d’or (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Les Transports, documentaire illustré par Romain Guyard, Larousse (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Le cinéma, documentaire illustré par Raphaël Gauthey, Nathan (2014), que nous avons chroniqué ici.
- La France, documentaire illustré par Michael Welply, Nathan (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Pages de pub, documentaire, illustré par Manu Boisteau, Gulf Stream (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Louis XIV à Versailles, documentaire illustré par Cyrille Meyer, Nathan (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Rois et reines de France, documentaire illustré par Rémi Saillard, Nathan (2013), que nous avons chroniqué ici.
- La France, documentaire illustré par Charlotte des Ligneris, Gallimard Jeunesse (2013), que nous avons chroniqué ici.
- La mer, documentaire illustré par Pierre Caillou, Nathan (2012), que nous avons chroniqué ici.

Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !