Pour la sixième année, cet été encore, on vous propose une rubrique que vous aimez beaucoup (et nous aussi !), Du berger à la bergère. Tous les mercredis jusqu’à la rentrée, ce sont des auteur·trices et des illustrateur·trices qui posent trois questions à une personne de leur choix. Puis c’est à l’interviewé·e de poser trois questions à son tour à son intervieweur·euse d’un jour. Après Elsa Oriol et Marie Sellier, Gaël Aymon et Sandrine Beau, Isabelle Wlodarczyk et Aline Pallaro Lacroix, Bruno Pilorget et Véronique Massenot, Christine Roussey à Émilie Chazerand, cette semaine c’est au tour de Guillaume Nail qui a choisi de poser ses questions à Laura Nsafou.
Guillaume Nail : Bonjour Laura, et encore merci de ce que tu fais pour tirer la littérature jeunesse vers le haut, et promouvoir plus de diversité. En choisissant qui je voulais interviewer, la figure incontournable qui m’est venue à l’esprit, c’est toi. Mais je me suis dit aussi, que tu étais un peu l’arbre qui cache la forêt, celle dont la success-story, avec Comme un million de papillons noirs, ses prises de position, sa parole emblématique, font qu’on aurait tôt fait d’oublier que la littérature jeunesse, en France notamment, manque cruellement de diversité. Qu’en penses-tu ?
Laura Nsafou : Merci Guillaume ! Effectivement, je pense déjà qu’une partie du problème réside dans cet exceptionnalisme que la France entretient quand il est question d’histoires dites « diversifiées » : le succès de Comme un million de papillons noirs peut pousser certains éditeurs à se dire « bon, bah ça y est, il y a un livre avec une petite fille noire », là où ils n’auraient jamais eu la même réflexion pour des livres avec des personnages blancs. On n’estime jamais qu’il y en a « trop », parce que c’est la norme. Ensuite, un autre écueil est que le racisme de ce milieu — entre autres discriminations — empêche de concevoir que des personnages racisés — ou même minorisés sur d’autres aspects — sont porteurs d’universel. Une amie autrice qui proposait une héroïne avec un handicap physique a déjà entendu un éditeur refuser son manuscrit parce « qu’il ne se reconnaissait pas dans le personnage ». C’est bien la preuve que l’imaginaire littéraire qu’on nous vend comme « universel » est sclérosé autour d’un profil normé.
Guillaume Nail : Régulièrement, le microcosme des réseaux sociaux s’émeut de pseudo-polémiques souvent réductrices, dès lors qu’il s’agit de pointer des discriminations ou le manque de diversité. En caricaturant les interrogations sur la traduction des poèmes d’Amanda Gorman, l’utilité potentielle des sensitivity readers, l’importance de récits own voices ou les questions que génère l’appropriation culturelle, on se retrouve la plupart du temps avec un débat faussé, qui empêche finalement de s’atteler aux réels problèmes qui se posent (encore une fois, l’arbre qui cache la forêt). De très vastes sujets, qu’on ne saurait épuiser ici, mais qu’est-ce que cela t’inspire ?
Laura Nsafou : Pour moi, ces indignations sélectives qui regrettent que les discriminations et que le manque de diversité soient dénoncés, montrent à quel point c’est un problème systémique. On parle plus volontiers des auteur·es et de leur participation à une littérature excluante via leur publication, mais il est encore tabou d’adresser à quel point toute la chaîne du livre est complice : quand vous avez un livre pour enfants avec un titre ouvertement négrophobe vendu en librairie et proposé en bibliothèque, cela signifie qu’il est passé entre les mains d’éditeurs, de maquettistes, d’illustrateurs, de représentants commerciaux, de libraires, de bibliothécaires, de diffuseurs et j’en passe, sans que ça ne pose problème de rendre disponible un tel ouvrage, bien qu’il dénigre des enfants noirs. Ça veut aussi dire que les éditeurs responsables ont une conception tronquée de leur lectorat, et que l’expérience d’enfants discriminés — malheureusement courante — leur est, au mieux, inconnue, au pire, leur passe au-dessus.
On ne peut pas réussir à forger une littérature représentative sans questionner tous les maillons de la chaîne du livre, mais comme cela revient à pointer les manquements de ces corps de métiers, il y a souvent un rejet de la conversation.
Guillaume Nail : Enfin, n’oublions pas que tu es avant tout écrivaine ! Et j’aimerais en savoir plus ton écriture, tes inspirations, tes techniques. Comment travailles-tu ? D’où te viennent tes idées, comment s’articule ton travail avec les maisons d’édition, le lien avec ton lectorat. Peux-tu nous en dire plus sur tes projets à venir ?
Laura Nsafou : Mes projets s’articulent toujours de la même manière : ça part d’un petit détail, un personnage, une phrase entendue, une anecdote, ou une interrogation personnelle qui, au lieu d’être tapée sur Google, donne lieu à une histoire (rires), et ensuite je déroule ce détail comme le fil d’une pelote de laine. C’est très intuitif, je fais souvent le premier jet avant de songer à la structure ou à faire le plan, la cohérence vient après lors de la réécriture. Après, je cultive depuis quelques années des thèmes récurrents liés à mon afroféminisme, comme la transmission, l’héritage diasporique, la représentation des communautés noires et particulièrement des femmes noires, du vécu afropéen, avec toujours la recherche de ce que j’aurais voulu lire.
Le problème que je rencontre parfois avec les maisons d’édition, c’est de trouver l’éditeur ou l’éditrice qui va voir mon projet pour ce qu’il est, et non me demander une version française d’un livre afro-américain, ou me commander un livre qui répond à une tendance anglosaxone — bien loin donc des réalités des personnes noires en Europe ou en France. Aussi, il est parfois long et difficile de faire comprendre aux maisons d’édition à quel point la notion de diversité concerne autant l’ordinaire que l’extraordinaire : proposer une bande dessinée autour d’une romance d’un couple noir, oui, c’est « original », et « pertinent » dans un contexte où la bande dessinée française invisibilise ce type d’histoires, de vécus et de personnages. Si, aujourd’hui, on n’est pas capable de citer une seule bande dessinée avec des personnages noirs qui se passent en France, et qui ne repose pas sur les tropes habituels (guerre, esclavage, ségrégation raciale, etc.), c’est bien qu’il y a un problème.
Aussi, le fait d’avoir une communauté sur les réseaux sociaux me permet aussi d’asseoir mes positions face à l’industrie du livre, car les personnes qui me suivent depuis des années sont aussi fatiguées de cette homogénéité forcée en littérature.
L’avantage, c’est qu’être au clair avec mes intentions littéraires — personnellement et publiquement — me permet d’être accompagnée d’éditeur·ices soucieux·ses de ces enjeux et forcent à une certaine franchise : un éditeur ne peut pas s’attendre à travailler avec moi et espérer que je ne parle pas ouvertement d’antiracisme, ou de féminisme dans mes écrits (rires). Je pense que mes nouveaux projets de cette rentrée vont refléter cet aspect : j’ai une fiction Young Adult inspirée des mythes et des croyances d’Afrique francophone, un album jeunesse sur un sujet sensible, et deux romans graphiques proposant des romances avec des personnages divers. C’est très différent de ce que j’ai fait jusqu’ici, j’espère que ça plaira à mes lecteurs et lectrices, qui me suivent depuis des années maintenant !
Merci Guillaume ! Mon tour donc de poser mes questions, je suis très heureuse qu’on puisse échanger.
Laura Nsafou : Ton dernier ouvrage, Le cri du homard souhaite éveiller une conscience écologique chez les plus jeunes, à un moment où les militants écologistes dénoncent le manque d’engagement du gouvernement pour une écologie politique, l’échec de certaines initiatives internationales comme la Muraille verte, et l’hypocrisie d’un discours visant à responsabiliser les individus dans leur impact sur leur planète et les pays du Sud, plutôt que de responsabiliser les entreprises ou les pays occidentaux. Comment tu te situes par rapport à tout ça ? Est-ce que tu penses que la fiction doit prendre le relais de ces débats ? Et si oui, dans quelle mesure ?
Guillaume Nail : L’idée de départ de cette collection, en partenariat avec le collectif On Est Prêt, était justement de donner à voir les récits que nous espérons, écrire la réalité que nous souhaitons pour demain. Je crois sincèrement que la fiction peut permettre d’envisager le monde autrement, de le façonner, même, en l’imaginant tel qu’on voudrait qu’il soit. Plus de responsabilités, plus d’engagement, plus de collectif, de diversité, d’égalité. La route est encore longue. En quelque sorte, la fiction permet de se rassurer en patientant.
Cela étant dit, je te rejoins totalement sur la dimension insupportable, et très dans l’air du temps, qui voudrait que la responsabilité du changement incombe exclusivement aux individus. Quid des pouvoirs publics ? Qui ne cessent de se dédouaner pour mieux masquer leur immobilisme et leur conservatisme, tout en ne se gênant pas pour céder aux intérêts privés des lobbys. À quand des exigences fortes en matière d’information et d’étiquetage, pour éclairer nos achats ? Et que penser du détricotage pur et simple des propositions de la convention citoyenne, des reculs et renoncements permanents sur la régulation des empreintes carbone, l’omniprésence de la voiture, la sempiternelle reproduction du même logiciel, qui prône une croissance irréaliste. Inutile de compter sur les entreprises pour se bouger. Le volontarisme politique est essentiel. Et désespérément absent, imprégné d’une logique court-termiste et électoraliste.
À rappeler néanmoins, les politiques ne sortent pas non plus de nulle part. Je crois au pouvoir du bulletin de vote. Dès lors qu’on porte aux responsabilités des hommes et femmes politiques pour qui les enjeux écologiques (et toutes les autres avancées sociétales — réduction des inégalités, inclusion, promotion du collectif sur l’individuel) sont clairement secondaires, pas étonnant que rien ne soit fait. Une mobilisation citoyenne est possible, et nécessaire. Nombre d’associations font un travail formidable. Alors engageons-nous ! ;o)
Laura Nsafou : En ayant été président de la Charte des auteurs jeunesse, j’imagine que tu t’es retrouvé avec une double posture, avec ton statut d’auteur ? Comment c’était ? Et est-ce que tu trouves que le tissu associatif et/ou syndical se saisit assez des enjeux de diversité ? Car j’ai parfois l’impression qu’un fossé demeure.
Guillaume Nail : À l’épreuve de la réalité, cette double position s’est révélée finalement assez facile à négocier : j’ai toujours été très clair avec les maisons d’édition, sur les situations où j’endossais ma casquette d’auteur, et celles où je m’exprimais en tant que président de la Charte, même si l’une ne va pas sans l’autre, évidemment. L’« excuse » Charte s’avère d’ailleurs très précieuse au moment de négocier mes contrats individuels, tant en tant qu’auteur jeunesse, que scénariste. Au même titre que chaque auteur et autrice, tout ce que je revendique favorise également, par ricochet, un nivellement par le haut de tout un secteur : plus on rémunère les gens, plus on accorde de la valeur à leur travail, mieux ils et elles écrivent/illustrent et plus le secteur en profite. Je crois beaucoup au qualitatif.
Et puis, être de tous les combats, comprendre les enjeux, se montrer à l’écoute du terrain, c’est aussi mieux cerner les obligations contractuelles inhérentes aux maisons d’édition, et renforcer ses attentes en la matière. De même, j’ai beaucoup appris de mes échanges avec les salons, les professeur·es documentalistes, les libraires, etc. Mieux cerner la réalité de chacun·e, permet de trouver des points de convergence, mais aussi d’accepter qu’il existe à certains endroits des intérêts divergents, sur le partage de la valeur, notamment, qu’il est sain d’appréhender en toute transparence.
Pour ce qui est des questions d’égalité et diversité… D’un côté, la Charte est fer de lance en la matière, dans un secteur très à la traîne parmi les autres secteurs culturels. Mais rien ne va assez vite, ni assez fort, évidemment. J’ai par exemple été déçu (pour ne pas dire en colère) que la majorité des adhérents et adhérentes de la Charte, refuse en 2019 d’intégrer le terme « autrices » à l’intitulé de l’association — qui compte pourtant 70 % de femmes ! Peut-être n’avons-nous pas assez communiqué, expliqué le pourquoi du comment de ce changement de nom. Ou posé la question trop tôt. Quoi qu’il en soit, les débats nourris qui ont précédé ce vote, confirment que la littérature jeunesse est loin d’être épargnée par le sexisme.
Quand j’étais administrateur, puis président de la Charte, nous avons initié un travail sectoriel sur les questions d’égalité, jusqu’à prendre date une première fois, avec les États généraux de l’égalité. Si cette question reste toujours aussi brûlante (cf. la tribune que j’avais fait paraître dans le Monde : comme tous les secteurs féminisés, la littérature jeunesse reste sous-rémunérée), d’autres problèmes indissociables méritent qu’on les prenne à bras le corps, et d’urgence.
Ainsi, aujourd’hui, le sujet incontournable et, proprement scandaleux, est l’absence criante de diversité, tant du côté des auteurs et des autrices, que des récits commercialisés, des imageries véhiculées. Il n’y a qu’à voir les allées des salons du livre jeunesse. Des blancs, des blancs, des blancs. Idem pour les ouvrages. Certes, quelques maisons d’édition commencent à s’interroger, osent des initiatives. Mais j’ai l’impression qu’on reste très en surface et que, comme souvent, beaucoup se refusent à voir que des processus discriminants jouent à plein régime, pas toujours conscients, d’ailleurs, mais qu’importe. Et qu’on ne vienne pas me répliquer l’argument pathétiquement creux du « on ne peut plus rien dire, on ne peut plus rien écrire ». La littérature jeunesse mérite mieux que des formules caricaturales, révélatrices d’une certaine misère intellectuelle dans le débat. La vraie question à se poser est : comment, en 2021, peut-on encore supporter que tout un pan d’auteurs et d’autrices, issu·es de la diversité, ou de récits mettant en avant d’autres visions de la société, des personnages « en marge » n’aient pas accès aux circuits grand public ni voix au chapitre. À ce sujet, je ne peux que conseiller chaudement certaines lectures déjà évoquées sur ce site, et très utiles pour alimenter la réflexion.
Je rêve que les maisons d’édition françaises, dans leur ensemble, comprennent combien elles ont à gagner à opérer cette mue. Et ne soient plus aussi frileuses, ni ne fassent comme si cette question ne se posait pas.
Laura Nsafou : Je te retourne la question ! Comment conçois-tu tes histoires et quels sont tes projets pour la suite ?
Guillaume Nail : Qu’est-ce qui fait qu’une phrase, un souvenir, la lecture d’un article ou une simple sensation lors d’une randonnée d’été, prend ancrage peu à peu, s’étoffe jusqu’à occuper tout mon espace mental et devenir ce que je sais devoir devenir une histoire, qu’il me faut raconter. Un processus qui m’échappe moi-même. En tout cas, ce désir d’histoire rejoint dès lors ma PAE — Pile à Écrire —, qui s’allonge au fil des mois, et fourmille de projets, à des stades d’écriture ou de réflexion plus ou moins avancés.
Dès lors, mon ADN de scénariste prend le pas. Coucher les idées sur un carnet, penser la structure, l’articulation dramaturgique : j’aime poser les étapes de l’intrigue, de manière assez synthétique, d’abord, afin de savoir où je vais au moment de me lancer dans la rédaction. Avec bien évidemment beaucoup de liberté : le récit m’emmène parfois explorer des voies inattendues, m’oblige à repenser les choses, la psychologie des personnages. C’est un bonheur intact que de voir le récit se construire peu à peu, les personnages prendre corps. J’aime que l’écriture me surprenne.
Ensuite, mon étape préférée, je crois, et surtout celle qui me prend le plus de temps, est la réécriture, la ré-réécriture et la ré-ré-réécriture. Je peux retoucher jusqu’à une centaine de fois un chapitre, rectifier une phrase, changer une virgule pour gagner en musicalité, ou au contraire tout supprimer parce qu’un passage dessert l’intrigue ou s’écarte du rendu souhaité.
Enfin, si j’envisage ce qui motive l’amorce de mes projets, et qui n’est pas sans lien avec les luttes contre les inégalités et l’absence de diversité, c’est indéniablement mon affection particulière pour les héros et héroïnes « à côté », persuadé·es qu’ils et elles n’ont pas leur place, et à qui je tends la main pour leur dire : tu sais quoi, cette singularité est une chance, tant mieux qu’on veuille t’enfermer dans une case, que toi-même tu t’obliges (pour l’heure) à rentrer dans le moule car avec ce récit, on va tout faire pour que tu puisses en sortir, comprendre combien c’est cette singularité qui fait de toi un personnage de roman, qui motive qu’on s’intéresse à toi, qu’on aspire à dire et écrire qui tu es. Comme dans la vie, en somme.
Désolé je suis bavard. Mais pour conclure, mes prochains projets : La fin du train-train du train, un premier album rigolo à paraître chez Glénat, l’année prochaine, avec une super illustratrice. Et dans les tuyaux, un projet de roman pour les collégien·nes, les tribulations d’une bande d’« outcasts », héro·ïnes de l’ombre prêt·es à venger la veuve et l’orphelin. Et un roman ado plus intimiste. Sans oublier quelques autres projets en gestation, besace, lecture. Et dont je croise les doigts et les orteils pour qu’ils trouvent leur chemin jusqu’aux lecteurs et lectrices.
Bibliographie de Guillaume Nail :
- Le cri du homard, roman, Glénat (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Tracer, roman, Le Rouergue (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Série L’inversion des pôles, romans, deux tomes, Slalom (2019-2020).
- Magda, roman, Auzou (2019).
- Cro-man, l’album du film, album, Seuil Jeunesse (2018).
- Cro-man, roman, Seuil Jeunesse (2018).
- Bande de Zazous, roman, Le Rouergue (2017).
- Qui veut la peau de Barack et Angela, roman, Le Rouergue (2016).
Son site : https://guillaumenail.com.
Bibliographie de Laura Nsafou :
- Nos jours brûlés, roman, Albin Michel Jeunesse (à paraître le 15 septembre).
- La demeure du ciel, album illustré par Olga Guillaud, Cambourakis (2021).
- Le Chemin de Jada, album illustré par Barbara Brun, Cambourakis (2020).
- Comme un million de papillons noirs, album illustré par Barbara Brun, Cambourakis (2018).
Son site : https://lauransafou.carrd.co.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
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