On adore la maison d’édition L’agrume et ses beaux livres, j’avais donc envie d’en savoir plus sur celle et celui qui sont derrière… Chloé Marquaire et Guillaume Griffon. Ensuite c’est avec l’autrice-illustratrice Frédérique Bertrand qu’on part en vacances ! Bon mercredi à vous.
L’interview du mercredi : Chloé Marquaire et Guillaume Griffon (L’agrume)
Parlez-nous de votre parcours
Guillaume : J’ai fait des études littéraires puis une formation aux métiers du livre. À l’issue de cette formation, je suis venu à Paris pour découvrir l’édition à travers des stages. J’ai répondu à une annonce pour un stage au département Jeunesse des éditions Autrement et j’y suis resté 7 ans. J’y ai appris le métier d’éditeur et je me suis passionné pour le livre pour enfant. Quand j’ai quitté Autrement, j’ai d’abord été éditeur freelance pendant 2 ans puis l’envie de porter un projet éditorial global nous a rattrapé, Chloé et moi. La découverte de la bande dessinée Dora a été l’étincelle qui nous a poussé à nous lancer dans l’aventure de l’édition indépendante.
Chloé : J’ai un parcours artistique dans lequel j’ai exploré différentes formes de création — danse théâtre, scénographie, arts graphiques — et qui m’a menée jusqu’à l’édition par goût des livres d’artiste. Pendant une résidence artistique à Buenos Aires, j’ai découvert le livre qui allait changer le cours de ma vie professionnelle, Dora, un roman graphique génial tant pour son récit mêlant fiction et documentaire que pour son graphisme précis et ultra documenté qui nous donna l’impulsion de créer l’Agrume.
C’était en 2012, pourquoi avoir créé cette maison d’édition ?
Tout est parti d’un coup de foudre, comme toujours : le roman graphique Dora qu’il nous semblait indispensable d’éditer. Et puis nous avions un amour commun pour les livres d’artistes, projet autour duquel nous avions déjà travaillé en organisant des expositions collectives à Paris puis à Buenos Aires. Cet attrait pour le livre-objet a été le point de départ de notre collection Jeunesse.
D’où est venu ce nom ?
Nous voulions un nom qui réveille, qui donne envie de goûter et d’être surpris, un nom frais et coloré, à l’image de nos livres.
Quelle est la ligne de la maison ?
Le projet de la maison d’édition est d’explorer l’illustration contemporaine sous toutes ses formes, d’où nos trois collections : Jeunesse, Littérature graphique (la bande dessinée), et notre revue de société Citrus. Une même démarche éditoriale unit ces trois collections : celle de publier des livres d’auteurs, au sens où ils s’inscrivent dans une démarche artistique personnelle et où ils développent un style graphique singulier. On veut publier des projets artistiques forts qui marquent nos lecteurs, que ce soit pour un public adulte ou un public jeunesse. Pour cette raison, on ne passe jamais commande à un auteur. On intervient beaucoup sur les livres qu’on publie, mais l’origine des projets vient toujours de l’auteur. Notre démarche éditoriale est de l’accompagner dans sa création pour aboutir au meilleur livre possible.
Quels sont les livres qui ont marqué la maison ?
Incontestablement La mégalopole de Cléa Dieudonné, pour son format innovant et surprenant, ainsi que son graphisme très singulier. Il a été très remarqué en France et c’est notre best-seller à l’international.
Il y a aussi le très beau pop-up Avec quelques briques de Vincent Godeau, un des premiers livres Jeunesse que nous avons publiés. C’était un projet très audacieux pour une petite maison comme l’Agrume et un livre très singulier dans sa manière d’aborder l’ingénierie papier.
Enfin, il y a récemment Duel au soleil de Manuel Marsol, un western décalé, presque sans paroles, dans lequel le duel entre un cowboy et un Indien est sans cesse interrompu par des éléments perturbateurs. L’effet est extrêmement drôle, et le livre a été doublement primé : Pépites Album 2018 et Prix Sorcières Album 2019.
Il y a plusieurs collections, pouvez-vous nous les présenter ?
Notre collection principale aujourd’hui est notre collection Jeunesse. Comme notre domaine est l’illustration, on publie essentiellement des albums, dans différents genres : tout carton petite-enfance, livres à système, livres narratifs, et quelques documentaires. On s’est lancés avec le livre-objets, notre volonté était de publier des livres d’artistes pour enfants. Puis la collection s’est progressivement élargie à des livres plus classiques dans leur forme, même si nous gardons toujours un grand attrait pour l’objet livre.
La deuxième collection est celle de bande dessinée, intitulée « Littérature graphique ». Nous sommes tous deux de grands amateurs de littérature, de sciences humaines et de cinéma, et cette collection est une sorte de condensé de ces trois passions : des ouvrages qui parlent de sujets de société, proposant des écritures graphiques puissantes et faisant la part belle au texte.
Enfin, il y a Citrus, une revue de société illustrée de 200 pages, notre enfant terrible, qui nous a donné une énergie et une force créative incroyable mais aussi causé d’innombrables insomnies tant c’était lourd pour notre fragile économie. Mais quelle superbe aventure ! Humaine, artistique, intellectuelle ! Après 6 numéros (Football, Faits divers, Sexe, Dieu, Manger et Amériques) nous avons décidé d’arrêter la publication, tout en songeant à reprendre le concept dans une forme nouvelle, non-périodique et plus légère. C’est en réflexion…
Qui compose l’équipe et quel est le rôle de chacun·e ?
L’équipe est composée de cinq personnes : Chloé Marquaire et Guillaume Griffon, les deux fondateurs. Nous nous occupons de toute la production — programme, suivi des projets, fabrication — et de la gestion de la maison. Il y a Stéphanie Vernet qui s’occupe des droits étrangers, un domaine essentiel dans notre économie. La partie graphique est assurée par Pia Philippe. Enfin, pour toute la communication — presse, librairie, salons — Chiara Gennaretti nous a rejoint à l’automne 2018.
D’après vous, qu’est-ce qu’un bon livre jeunesse ?
On pense qu’un bon livre de jeunesse doit proposer une aventure de lecture, c’est-à-dire un certain dépaysement, par son sujet, ses images, son dispositif narratif… Il faut embarquer l’enfant dans un voyage. On pense aussi qu’un bon livre jeunesse doit s’appréhender facilement ; la ligne directrice doit être évidente. On a l’habitude de dire à nos auteurs qu’un livre doit pouvoir s’expliquer en une phrase. Le contenu peut être foisonnant, très riche et étoffé, mais le concept doit être simple.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent·e ?
Nous avons été marqués tous les deux par les classiques de L’école des loisirs (Tomi Ungerer, Leo Lionni, Arnold Lobel), ceux du Père Castor (Petit chat perdu, Roule galette, Les bons amis), les contes (Les mille et une nuits, les frères Grimm), les romans de Roald Dahl. Il y eut aussi Le marchand de fessées de Pierre Gripari, La sorcière Ozepine, Le prince de Motordu…
Quelques mots sur les prochains ouvrages que vous allez éditer ?
Dans les prochains mois, on publiera notamment un très bel album de Simon Bailly qui s’inspire d’Utopia de Thomas More, un grand leporello cartonné de Judy Kaufmann qui montre toute l’activité d’une rue, un nouvel album original de Cléa Dieudonné : une maison qu’on visite en ouvrant les pages comme des doubles-portes, et un très beau premier album d’Orane Sigal sur l’aventure d’un petit oiseau.
Bibliographie sélective :
- Les entrailles de New York, de Julia Wertz (2019).
- qp, de Powerpaola (2019).
- Qu’en penses-tu ?, de Marta Comin (2019).
- Ma cabane du bout du monde, d’Emmanuelle Mardesson et Sarah Loulendo (2019).
- Quel cirque !, de Judy Kaufmann (2019).
- J’irai voir, d’Emmanuelle Bastien (2019).
- Où va Mona ?, de Jérôme Ruillier (2019)
- L’alphabet cocasse et illustré, d’Anne-Hélène Dubray (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Imagine, de Liuna Virardi (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Monter & descendre, de Marta Comín (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Duos d’animaux, texte d’Emmanuelle Mardesson, illustré par Sarah Loulendo (2017), que nous avons chroniqué ici.
- La Montagne, d’Anne-Hélène Dubray (2017), que nous avons chroniqué ici.
- La Pyramide des animaux, de Cléa Dieudonné (2017), que nous avons chroniqué ici.
- La Mégalopole, de Cléa Dieudonné (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Les animaux des villes, de Nadia Budde (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Bonhomme, sa maison, et pluie et pluie, d’Emmanuelle Bastien (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Dora, l’année suivante à Bobigny, de Minaverry (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Choisis quelque chose, mais dépêche-toi !, de Nadia Budde (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Dora, de Minaverry (2009), que nous avons chroniqué ici.
Le site de L’agrume : http://lagrume.org.
En vacances avec… Frédérique Bertrand
Régulièrement, nous partons en vacances avec un·e artiste. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais moi j’adore partir comme ça avec quelqu’un, on apprend à la·le connaître notamment par rapport à ses goûts… cet·te artiste va donc profiter de ce voyage pour nous faire découvrir des choses. On emporte ce qu’elle·il veut me faire découvrir. On ne se charge pas trop… Des livres, de la musique, des films… sur la route on parlera aussi de 5 artistes qu’il·elle veut me présenter et c’est elle·lui qui choisit où l’on va… 5 destinations de son choix. Cette fois-ci, c’est avec Frédérique Bertrand que nous partons ! Allez, en route !
- Annie Ernaux : Les Années
- Patrick Modiano : Dans le café de la jeunesse perdue
- Jean Echenoz : Envoyée spéciale
- Haruki Murakami : Kafka sur le rivage
- Akira Yoshimura : Le convoi de l’eau
5 DVD :
- Peau d’âne de Jacques Demy
- Les vacances de Monsieur Hulot de Jacques Tati
- Mon voisin Totoro de Hayao Miyazaki
- La femme d’à côté de François Truffaut
- Les habitants d’Alex van Warmerdam
5 CD :
- Dominique A, La Musique
- Camille, Ouï
- Claude Nougaro, Cécile ma fille
- Bertrand Belin, Persona
- La Femme, Psycho Tropical Berlin
5 artistes :
- Giorio Morandi
- Roland Topor
- Pina Bausch
- Robert Rauschenberg
- Louise Bourgeois
5 livres jeunesse :
- Mon Amour de Paul Cox
- Tous les livres de Benoît Jacques (ou s’il en faut un… Titi nounours et la sousoupe au pilipili)
- OOh-la-la (Max in love) de Maira Kalman
- Oncle Gilbert de Benoït
- Poèmes de terre d’Olivier Douzou et Anouk Ricard
- Frances de Joanna Hellgren
- Les Rigoles de Brecht Evens
- Les hommes-loups de Dominique Goblet
- Guirlanda de Lorenzo Mattotti
- L de Benoît Jacques
5 lieux :
- Une chaise dans mon jardin
- Le bar de la Caravelle sur le vieux port de Marseille
- La Halle Saint-Pierre à Montmartre
- Le port du Guilvinec
- Le Modulor à Berlin (magasin de matériel divers, véritable caverne d’Alibaba des arts créatifs)
Frédérique Bertrand est autrice et illustratrice
Bibliographie (sélective) :
- Concentre-toi, illustration d’un texte de Catherine Grive, Rouergue (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Tu vas voir, texte et illustration, Rouergue (2018).
- Le musée en pyjamarama, illustration d’un texte de Michaël Leblond, Rouergue (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Le mensonge, illustration d’un texte de Catherine Grive, Rouergue (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Les billes font la course, illustration d’un texte de Michaël Leblond, Rouergue (2015).
- Paris en pyjamarama, illustration d’un texte de Michaël Leblond, Rouergue (2014), que nous avons chroniqué ici.
- La valise, texte et illustration, Rouergue (2014).
- Le conte du prince en deux ou l’histoire d’une mémorable fessée, illustration d’un texte d’Olivier Douzou, Rouergue (2014).
- New York en Pyjamarama, illustration d’un texte de Michaël Leblond, Rouergue (2011).
- Des ailes dans le dos, illustration d’un texte de Catherine Grive, Rouergue (2009).
- Le vieil ogre, illustration d’un texte de Marie-Sabine Roger, Casterman (2008).
- Pierre et le l’ours, illustration d’un texte d’Olivier Douzou, MeMo (2007).
- Les Mauvais Perdants, illustration d’un texte d’Olivier Douzou, Rouergue (2001).
Le site de Frédérique Bertrand : http://www.frederiquebertrand.fr.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !