Aujourd’hui, je vous propose une interview de l’autrice Natacha Henry dont j’ai beaucoup aimé le dernier roman, L’affaire du cheval qui savait compter sorti chez Rageot, puis de partir en vacances avec un auteur-illustrateur dont j’adore le travail, Barroux.
L’interview du mercredi : Natacha Henry
Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
En donnant des conférences sur mon livre Les Sœurs savantes, Marie Curie et Bronia Dluska (La Librairie Vuibert, 2015), j’ai remarqué que les ados, venu·e·s avec leurs parents, posaient beaucoup de questions. L’adapter pour ce public m’a semblé une évidence. C’est ainsi qu’est né mon premier roman jeunesse, Marie et Bronia, le pacte des sœurs (Albin Michel Jeunesse). Ont suivi Rosa Bonheur l’audacieuse, l’Affaire des Fées de Cottingley et l’Affaire du cheval qui savait compter. Sinon, depuis vingt ans, je gère des projets sur les questions d’égalité filles/garçons, en particulier pour les institutions européennes. Et j’ai fait des études d’histoire contemporaine, à Paris et à Londres.
Pouvez-vous nous parler de L’Affaire du cheval qui savait compter, votre dernier roman ?
En 1904 à Berlin, le public se presse pour admirer le cheval Hans le Malin. Son maître, professeur de mathématiques, lui a donné des cours comme à un élève de primaire. En effet, lorsqu’on interroge Hans, il frappe le sol de son sabot et donne la bonne réponse. Comment est-ce possible ? se demandent les savants. Est-ce truqué ? Un groupe de psychologues vient alors observer les relations entre Hans et son maître. J’ai choisi de confier le récit à Charlotte, une jeune épicière, qui va tout faire pour assister à leurs expériences. Je dirais qu’on peut le lire à partir de la sixième. On a inséré un dossier à la fin avec des documents et des photos.
J’aimerais que vous nous parliez des recherches que vous avez faites pour ce livre.
J’avais devant moi deux grands thèmes : Berlin au début du XXe siècle, et le mystère de Hans le Malin. Puisque c’est écrit à la première personne, je me suis mise à la place de Charlotte, mon héroïne. Que voit-elle ? Que sait-elle ? Où va-t-elle ? Grâce à des photos et des films de l’époque, j’ai visualisé son épicerie, sa rue, la cour où ont lieu les démonstrations, et même ses habits et sa bicyclette… Ensuite, Charlotte aimerait comprendre ce qui se passe dans le cerveau du cheval. Où trouver des pistes ? À la bibliothèque ! J’ai découvert une femme formidable, Bona Peiser, qui a monté, à Berlin, un réseau de bibliothèques municipales. Enfin, j’ai épluché les journaux et les rapports scientifiques sur Hans. Notamment celui du Professeur Oskar Pfungst, le psychologue qui a dirigé les expériences.
Vous vous inspirez toujours d’histoires vraies : comment choisissez-vous ces histoires ? Comment vous donnent-elles envie de les raconter ?
Je me sens bien au XIXe et au XXe siècles. Quand je peux presque toucher les gens, que ce n’est pas si loin, que mes héroïnes voyaient un horizon où nous serions… Pour les périodes antérieures, j’ai du mal à me projeter. Ensuite, le déclencheur est toujours le même : je tombe sur un article, une référence ou une phrase, et je pense : ça alors ! Le travail commence : je dois m’assurer qu’il y a suffisamment de matière pour tout un livre, et de bons personnages principaux et secondaires. C’est très important car il me faut des gens bien ancrés dans leur époque. Je ne suis guère inspirée par les solitaires, les scandaleuses ou les fantasques. Puis vient ce que j’appelle mes quatre D : un duo, un début, un défi, un dénouement.
Dans chacun de vos romans on retrouve des personnages féminins forts, qui doivent souvent se battre pour être entendues, mais aussi la science. Deux sujets importants pour vous ?
J’écris deux sortes de romans jeunesse : les biographies – Marie Curie, la peintre animalière Rosa Bonheur (publiées par Albin Michel Jeunesse) – et la série L’Affaire de… sur un événement ponctuel (chez Rageot). Nous sommes toujours entre le XIXe et le XXe, et l’époque est aux sciences : Charlotte en psychologie, la future Marie Curie en chimie, sa sœur Bronia en médecine, et Rosa Bonheur étudie les bovins dans les marchés aux bestiaux… Leur point commun : portées par un sujet, elles entendent s’y consacrer le plus possible. Je dis cela aux élèves lors des rencontres : choisis ce qui t’intéresse le plus, prends le temps, ça vaut la peine. Et identifie les gens qui peuvent te soutenir.
Qui sont vos premier·ères lecteur·rices ?
Pour les passages scientifiques de Marie et Bronia, j’ai sollicité une élève de seconde, Christine, afin d’avoir le bon niveau et que tout soit bien clair. Ensuite ce livre m’a donné la chance de rencontrer de classes de 4ème/3ème avec lesquelles j’ai parlé d’études, d’ambition, de familles, de liberté… Ces discussions m’ont conduite à écrire Rosa Bonheur l’audacieuse, qui raconte la jeunesse de la peintre. Sinon, l’Affaire des Fées de Cottingley et l’Affaire du cheval qui savait compter étant pour des plus jeunes, ma première lectrice est ma filleule Alice qui est en 6ème.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
J’ai su lire très tôt, et mes parents n’aimaient pas que l’on regarde la télévision. Alors j’ai toujours beaucoup lu ! Le Club des Cinq, Fifi Brindacier, la série des Alice, le Petit Nicolas, la Bibliothèque rose, verte, Agatha Christie, les Folio Junior… Vers 13-14 ans, j’ai plongé dans les classiques. Pearl Buck, Jean Rhys, Albert Camus, Romain Gary, Stefan Zweig… J’avais l’impression de voir en miroir le fond de mon âme, et ça m’a drôlement plu.
Quelques mots sur vos prochains ouvrages ?
Je suis avec une grande joie l’adaptation théâtrale de Marie et Bronia le pacte des sœurs. Et j’ai préparé la nouvelle édition de l’autobiographie de Rosa Bonheur, Souvenirs de ma vie. Un texte passionnant, qui paraît chez Phébus, en février, pour le bicentenaire de sa naissance.
Bibliographie jeunesse :
- L’affaire du cheval qui savait compter, roman, Rageot (2021).
- Rosa Bonheur, l’audacieuse, roman, Albin Michel Jeunesse (2020).
- L’affaire des fées de Cottingley, roman, Rageot (2020).
- Marie et Bronia, le pacte des sœurs, roman, Albin Michel Jeunesse (2017).
Retrouvez Natacha Henry sur son compte Instagram.
En vacances avec… Barroux
Régulièrement, nous partons en vacances avec un·e artiste. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais moi j’adore partir comme ça avec quelqu’un, on apprend à la·le connaître notamment par rapport à ses goûts… cet·te artiste va donc profiter de ce voyage pour nous faire découvrir des choses. On emporte ce qu’elle·il veut me faire découvrir. On ne se charge pas trop… Des livres, de la musique, des films… sur la route on parlera aussi de 5 artistes qu’il·elle veut me présenter et c’est elle·lui qui choisit où l’on va… 5 destinations de son choix. Cette fois-ci, c’est avec Barroux que nous partons ! Allez, en route !
5 albums jeunesse :
Pieds nus de Rémi Courgeon
- La première fois que je suis née de Vincent Cuvellier et illustré par Charles Dutertre
- Grand et Petit de Henri Meunier, illustrations de Joanna Concejo
- Sauve qui peut de Sempé
- Meknes de Laurent Corvaisier
- La route de Cormac MacCarthy
- De si jolis chevaux de Cormac MacCarthy
- Lonesome Dove de Larry McMurtry (Prix Pulitzer )
- La marche du mort de Larry McMurtry
- Nécropolis de Herbert Lieberman
5 BD :
Maus, Art Spiegelman
- La Ballade de la mer salée, Hugo Pratt
- Dans mes yeux, Bastien Vives
- Isaac le pirate, Les Amériques, de Christophe Blain
- Gus, de Christophe Blain
5 DVD :
Little big man, Arthur Penn
- 12 hommes en colère de Sidney Lumet
- Reservoir dogs, Quentin Tarentino
- Le bon, la brute et le truand de Sergio Leone pour la musique d’Ennio Morricone
- Le jouet de Francis Veber
5 CD :
Paris Texas BO, de Ry Cooder
- Pour quelques dollars de plus BO, d’ Ennio Morricone
- The shadow of their suns de Wax Tailor
- Steal this album de System of a down
- Cry cry cry de Wolf parade
5 artistes :
- Basquiat
- Raymond Depardon
- Mary Ellen Mark
- Edward Hopper
- David Hockney
5 lieux :
- Les pianos à Montreuil pour boire un café, travailler sur quelques idées au calme.
- Garage Top autos à Montreuil pour faire un voyage dans le temps au milieu des voitures anciennes.
- Le cinéma le Mélies à Montreuil pour sa sélection de film.
- Le restaurant La Cave à Montreuil pour sa magnifique carte des vins.
- Le Manège de Petit Pierre à la Fabuloserie dans ce petit musée insolite d’art brut Charny-Orée-de-Puisaye dans l’Yonne,
Barroux est auteur et illustrateur, il a sorti il y a quelques semaines chez Kilowatt Un billet pour l’Amérique, dans lequel il illustre un texte d’Isabelle Wlodarczyk, et il publiera le 26 janvier prochain C’est mon anniversaire chez Père Castor.
Bibliographie sélective :
- C’est mon anniversaire, texte et illustrations, Père Castor (à paraître le 26 janvier).
- Un billet pour l’Amérique, illustration d’un texte d’Isabelle Wlodarczyk, Kilowatt (2021).
- La girafe à cinq pattes, texte et illustrations, Little Urban (2021), que nous avons chroniqué ici.
- Les géants tombent en silence, texte et illustrations, Seuil Jeunesse (2021), que nous avons chroniqué ici.
- Mon petit coin de paradis, texte et illustrations, Little Urban (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Denise et moi, texte et illustrations, Seuil Jeunesse (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Mon grand-père s’efface, illustration d’un texte de Gilles Baum, Albin Michel Jeunesse (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Série Lina, texte et illustrations, Père Castor (2018-2019), que nous avons chroniquée ici et là.
- Mon père le plus grand des agents bricoleurs, texte et illustrations, Little Urban (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Tuvalu, une île en tête, texte et illustrations, Mango (2018), que nous avons chroniquée ici.
- Où êtes-vous ?, texte et illustrations, Seuil Jeunesse (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Mais que font les parents la nuit ?, illustration d’un texte de Thierry Lenain, Little Urban (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Bienvenus, texte et illustrations, Kaléidoscope (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Voyages, scénario et illustration, À pas de loups (2016), que nous avons chroniqué ici.
- La grotte des animaux qui dansent, illustration d’un texte de Cécile Alix, L’élan vert (2016), que nous avons chroniqué ici.
- L’attrape-lune, illustration d’un texte de Séverine Vidal, Mango Jeunesse (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Facile de dessiner les animaux sauvages avec Barroux, loisirs créatifs, Mila éditions (2016), que nous avons chroniqué ici.
- On déménage !, illustration d’un texte d’Alice Brière-Haquet, Little Urban (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Drapeaux, illustration d’un texte de Galia Tapiero, Kilowatt (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Une guerre pour moi…, illustration d’un texte de Thomas Scotto, Les 400 coups (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Un éléphant dans mon arbre, texte et illustrations, Kilowatt (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Le jour où j’ai rencontré le monstre, illustration d’un texte de Céline Claire, Circonflexe (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Halb, l’autre moitié, illustration d’un texte de Sigrid Baffert raconté par Elsa Zylberstein et mis en musique par Alexis Ciesla, Les éditions des Braques (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Méga-Loup, illustration d’un texte de Séverine Vidal, Mango Jeunesse (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Un bond de géant – 1969, on a marché sur la lune, illustration d’un texte de Thomas Scotto, Kilowatt (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Mon voyage en gâteau, illustration d’un texte d’Alice Brière Haquet, Océan jeunesse (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Kako le terrible, illustration d’un texte d’Emmanuelle Polack, La joie de lire (2013), que nous avons chroniqué ici.
- La rentrée de Noé, illustration d’un texte d’Anne Loyer, Éditions des Braques (2013), que nous avons chroniqué ici.
- L’imagier de Barroux, La joie de lire (2013)
- Mon chien pense que je suis un génie, illustration d’un texte d’Harriet Ziefer, Mango (2012)
- Le petit chaperon rouge, illustration d’un texte de Gilles Bizouerne, Seuil (2012)
- Mon voyage en gâteau, illustration d’un texte d’Alice Brière-Haquet, c (2012)
- ABéCéDaire de la tête aux pieds, Actes sud Junior (2012)
- Recettes faciles pour mon p’tit loup, illustration d’un texte d’Isabelle Nicolazzi, Glénat (2011), que nous avons chroniqué ici.
Retrouvez Barroux sur son site http://www.barroux.info et sur son compte Instagram.

Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !