Une fois par mois, avec Véronique Soulé, nous mettons en avant deux invité·es lié·es par un livre. Cette fois-ci, c’est Un éléphant dans un chapeau, sorti chez møtus qui nous a fait réunir son autrice Véronique Foz et son illustrateur Barroux. La première est mon invitée pour l’interview, le second répond à la rubrique (sonore !) Du tac au tac de Véronique Soulé.
L’interview du mercredi : Véronique Foz
J’aimerais que vous nous présentiez Un éléphant dans un chapeau.
Un éléphant dans un chapeau parle d’un petit garçon qui croit en la magie. Il pense qu’à condition de se concentrer très fort, ses souhaits finiront par se réaliser. Il est en fait comme tous les enfants du monde pour lesquels les frontières entre réalité et conte sont encore flottantes. J’aime cette ambiguïté. L’enfant n’est pas dupe. Il sait très bien dans le fond où sont les limites. Mais il joue à ne pas le savoir, il fait semblant, et c’est comme ça qu’il arrive à exprimer ses peurs et ses espoirs, et qu’il arrive à grandir. J’ai passé mon enfance à espérer que mes parents se retrouveraient un jour, j’avais beau savoir que c’était impossible, j’y croyais quand même. C’est exactement l’histoire de Pierrot dans ce livre.
Comment est née cette histoire ?
L’histoire est née tout simplement de l’incipit imposé par le concours Émergences cette année-là : « La preuve était là sous mon nez. » J’ai pris la phrase et j’ai commencé à la retourner dans ma tête. Qu’est-ce qu’il pouvait bien y avoir sous mon nez ? Je cherchais quelque chose d’étonnant, d’improbable… Pourquoi pas un éléphant ? Mais dans ce cas, comment était-il apparu ? Par magie ?
C’était au printemps 2020, en plein confinement. Chaque jour, ma nièce de 7 ans me téléphonait pour que je lui lise une histoire. Un après-midi, je lui ai lu L’éléphant de Marcel Aymé. Un Conte du chat perché. Un jour de pluie, Delphine et Marinette sont seules à la maison, elles s’ennuient et ont l’idée de faire entrer dans la cuisine tous les animaux de la ferme pour jouer à l’Arche de Noé. Une petite poule accepte de tenir le rôle de l’éléphant. Elle s’enferme dans la chambre des petites pour se transformer. Une fois devenue un éléphant, elle est trop grosse pour ressortir. Or c’est la fin de la journée et les parents sont sur le point de rentrer… Quand j’ai demandé à ma nièce si elle avait compris l’histoire, elle m’a dit, bien sûr, c’est comme moi quand maman et papa reviennent et que j’ai mis le bazar dans ma chambre, je ne veux pas qu’ils le découvrent.
Je ne mesure pas l’influence que cela a eu sur mon texte. Ce qui est sûr, c’est que ça m’a ouvert des horizons. Notamment sur la capacité des enfants à saisir les métaphores.
L’histoire de mon éléphant s’est donc construite petit à petit. J’ai mis quelque temps à trouver le ton. Et puis tout à coup, l’histoire du père m’est apparue, sans que je l’aie cherchée. Comme toujours, c’est au détour d’une phrase, alors que je ne m’y attends pas, que mon histoire personnelle me rattrape. Et à partir de là, le texte est venu tout seul, avec sa chute.
Ce texte a fait partie des lauréats du prix Émergences (je l’avais découvert à cette époque et l’avais adoré), pouvez-vous nous parler de cette expérience ?
Oh, merci pour le compliment, ça fait plaisir ! Émergences se présente comme un tremplin pour les jeunes auteurs. Pour participer, il faut ne pas avoir publié plus de trois œuvres. J’avais deux romans parus en 2012 et 2014. Depuis, mes projets n’arrivaient pas à trouver d’éditeur. J’ai envoyé mon histoire comme une bouteille à la mer. Les opportunités offertes aux lauréats ont dépassé mes espérances. La Charte organise des rencontres avec les éditeurs. Grâce à ça, j’ai pu présenter mes projets, nouer des contacts… Une partie du chemin était fait !
Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Mon parcours est un peu particulier car je ne suis pas allée à l’école. Ma mère m’a fait la classe jusqu’en sixième, après quoi j’ai suivi des cours par correspondance, jusqu’au bac. Nous habitions alors en Espagne. À 18 ans, je me suis inscrite en fac de lettres modernes, à Paris. Mon rêve était de devenir écrivain. Mais j’aimais aussi beaucoup la peinture. J’ai fait mon mémoire de master sur le rapport texte et images dans les œuvres illustrées du XIXe siècle. Mon goût pour l’illustration m’a amenée à faire de l’iconographie, métier que j’exerce encore aujourd’hui. Je n’ai jamais cessé d’écrire, cependant. La publication de mon premier roman, L’échange, a été un grand bonheur.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
J’ai appris à lire avec Le Petit Prince. J’ai dû mettre un mois à venir à bout de la première page ! Elle contient des mots affreusement compliqués, comme géographie ou éléphant. À partir de là, j’ai lu tout ce qui me tombait sous la main. Contes, légendes, livres illustrés, romans. Vers 9-10 ans, je me passionnais pour les histoires du grand Nord, peut-être parce que je vivais dans un pays chaud ! Jack London, James Oliver Curwood… Plus tard, j’ai dévoré Alexandre Dumas, puis Victor Hugo, Stendhal, Flaubert, García Márquez… Enfin, j’ai découvert la science-fiction : Van Vogt, Asimov, Tolkien… Je lisais tout le temps, partout, même en marchant !
Est-ce que vous lisez de la littérature jeunesse ou faites-vous partie de celles qui ont peur que ça influence leur travail ?
Au début, j’en ai lu surtout pour voir ce qui se faisait. Certains auteurs m’ont emballée, et il m’arrive de les lire juste pour le plaisir. En réalité, je n’ai jamais vraiment su faire la différence entre littérature jeunesse et « vieillesse ». Quand un livre est bon, il est bon tout simplement.
Des ouvrages en préparation ?
Oui. J’ai deux publications prévues. La première, l’hiver prochain. Un roman pour ados, dans une collection accessible aux « dys ». La deuxième, en 2024. Il s’agit d’un roman aussi, mais pour grands ados, où j’évoque le thème de la transidentité. C’est un texte qui me tient très à cœur et qui a trouvé son éditeur lors des rencontres Émergences. Sinon, en plus de ceux qui sont encore en cours d’écriture, j’ai plusieurs projets qui cherchent leur éditeur.
Bibliographie :
- Un éléphant dans un chapeau, album illustré par Barroux, møtus (2023).
- Les ailes du papillon, roman, Oskar (2014).
- L’échange, roman, Oskar (2012).
Du tac au tac… Barroux
Une fois par mois, Véronique Soulé (de l’émission Écoute, il y a un éléphant dans le jardin) nous propose une capsule sonore, Du tac au tac. Avec la complicité du comédien Lionel Chenail, elle pose des questions (im)pertinentes à un·e invité·e que nous avons déjà reçu·e sur La mare aux mots. Aujourd’hui, c’est Barroux qui répond à ses questions.
Barroux est auteur et illustrateur, il vient de sortir, chez møtus, Un éléphant dans un chapeau, dans lequel il illustre un texte de Véronique Foz (voir ci-dessus) et Le trésor de Georges chez Little Urban, dont le texte est signé Anne-Sophie Plat.
Bibliographie sélective :
- Un éléphant dans un chapeau, illustration d’un texte de Véronique Foz, møtus (2023).
- Le trésor de Georges, illustration d’un texte d’Anne-Sophie Plat, Little Urban (2023).
- Le citronnier, illustration d’un texte d’Ilia Castro, D’eux (2023), que nous avons chroniqué ici.
- La girafe à cinq pattes, texte et illustrations, Little Urban (2021), que nous avons chroniqué ici.
- Les géants tombent en silence, texte et illustrations, Seuil Jeunesse (2021), que nous avons chroniqué ici.
- Mon petit coin de paradis, texte et illustrations, Little Urban (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Denise et moi, texte et illustrations, Seuil Jeunesse (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Mon grand-père s’efface, illustration d’un texte de Gilles Baum, Albin Michel Jeunesse (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Série Lina, texte et illustrations, Père Castor (2018-2019), que nous avons chroniquée ici et là.
- Mon père le plus grand des agents bricoleurs, texte et illustrations, Little Urban (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Tuvalu, une île en tête, texte et illustrations, Mango (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Où êtes-vous ?, texte et illustrations, Seuil Jeunesse (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Mais que font les parents la nuit ?, illustration d’un texte de Thierry Lenain, Little Urban (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Bienvenus, texte et illustrations, Kaléidoscope (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Voyages, scénario et illustration, À pas de loups (2016), que nous avons chroniqué ici.
- La grotte des animaux qui dansent, illustration d’un texte de Cécile Alix, L’élan vert (2016), que nous avons chroniqué ici.
- L’attrape-lune, illustration d’un texte de Séverine Vidal, Mango Jeunesse (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Facile de dessiner les animaux sauvages avec Barroux, loisirs créatifs, Mila éditions (2016), que nous avons chroniqué ici.
- On déménage !, illustration d’un texte d’Alice Brière-Haquet, Little Urban (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Drapeaux, illustration d’un texte de Galia Tapiero, Kilowatt (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Une guerre pour moi…, illustration d’un texte de Thomas Scotto, Les 400 coups (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Un éléphant dans mon arbre, texte et illustrations, Kilowatt (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Le jour où j’ai rencontré le monstre, illustration d’un texte de Céline Claire, Circonflexe (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Halb, l’autre moitié, illustration d’un texte de Sigrid Baffert raconté par Elsa Zylberstein et mis en musique par Alexis Ciesla, Les éditions des Braques (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Méga-Loup, illustration d’un texte de Séverine Vidal, Mango Jeunesse (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Un bond de géant — 1969, on a marché sur la lune, illustration d’un texte de Thomas Scotto, Kilowatt (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Mon voyage en gâteau, illustration d’un texte d’Alice Brière-Haquet, Océan jeunesse (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Kako le terrible, illustration d’un texte d’Emmanuelle Polack, La joie de lire (2013), que nous avons chroniqué ici.
- La rentrée de Noé, illustration d’un texte d’Anne Loyer, Éditions des Braques (2013), que nous avons chroniqué ici.
- L’imagier de Barroux, La joie de lire (2013)
- Recettes faciles pour mon p’tit loup, illustration d’un texte d’Isabelle Nicolazzi, Glénat (2011), que nous avons chroniqué ici.
Retrouvez Barroux sur son site http://www.barroux.info et sur son compte Instagram.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !