Cette année encore, on vous propose tout l’été notre rubrique Du berger à la bergère, un rendez-vous qui vous plaît beaucoup — vu vos retours — et qu’on aime beaucoup nous-mêmes. Tous les mercredis jusqu’à la rentrée, ce sont des auteur·trices et des illustrateur·trices qui posent trois questions à une personne de leur choix. Puis c’est à l’interviewé·e de poser trois questions à son tour à son intervieweur·euse d’un jour. Après Camille Jourdy et Bernadette Després, Alice Butaud et Isabelle Pandazopoulos, Clotilde Perrin et Marie Caudry, Sébastien Pelon et Julien Arnal, cette semaine c’est Estelle Billon-Spagnol qui a choisi de poser ses questions à Nicolas Michel !
Estelle Billon-Spagnol : Hello Nicolas, j’aimerais bien que tu me parles de ta manière d’écrire : rituels, tics, tocs, discipline, au fil de l’eau, plan détaillé, café, thé, bureau fermé, instants volés… ?
Nicolas Michel : Bonjour Estelle ! Alors j’aimerais bien pouvoir raconter que j’écris sur le coin d’une table, au milieu d’une faune bigarrée de marins venus de tous horizons, dans un bar sombre et enfumé, ou bien sur les quais d’un port lointain, en regardant partir les voiliers et en buvant du rhum, mais la réalité est beaucoup moins romantique ! Comme j’ai un métier – journaliste – qui m’occupe une grande partie de la journée, et comme j’ai des enfants, qui doivent être nourris, mon temps d’écriture ou de dessin est assez réduit. Comme je ne suis pas (du tout) du matin, je travaille essentiellement le soir, entre 21 heures et 23h30, dans mon bureau. Sans vue sur la mer ni embruns frappant le hublot : assis à ma table, face à mon ordinateur. En général, j’ai un plan en tête mais il n’est pas détaillé : j’aime me laisser surprendre et entraîner par l’écriture et les personnages. Comme j’ai assez peu de temps, j’essaie d’être très régulier quand j’avance sur un roman ou un album : je m’y mets presque tous les soirs, après avoir réfléchi dans la journée à la progression du texte. Souvent, je trouve des idées quand je fais mon jogging, le long du canal de l’Ourcq. Le soir, en guise d’échauffement, je relis les pages écrites la veille avant de me relancer. Comme j’ai besoin de concentration, je suis assez exigeant sur le silence – ce qui n’est pas toujours facile avec une grande famille ! Mais j’adore quand mes enfants montent me dire bonne nuit avant d’éteindre leur lumière.
Estelle Billon-Spagnol : Ton travail à la plume sur l’album Entre mes branches est fascinant. Peux-tu me confier quelques secrets de fabrication ?!
Nicolas Michel : Pour le dessin, je travaille avec des stylos Rotring, qui ne sont pas des plumes, mais qui peuvent se recharger avec de l’encre noire. Je commence par un croquis au crayon, à partir d’observations sur le terrain et d’images glanées sur Internet. Je prépare une sorte de mise en scène qui me plaît, et ensuite je commence à remplir la feuille avec des motifs (cercles, traits, points), ce qui rend le travail très long, presque hypnotique, et me permet d’avancer très prudemment : mon trait n’est pas immédiat, je n’ai pas pris de cours de dessin. Ce que je préfère, c’est faire des petits points, j’ai l’impression de reconstituer un paysage, un monde, à partir de toutes les molécules qui le composent. Quand je plonge dans la feuille de cette manière, j’ai l’impression de flotter dans une sorte d’espace doux et rassurant.
Estelle Billon-Spagnol : Monde végétal, marin… à quoi ressemblerait ton atelier idéal ?
Nicolas Michel : Je dirais que mon atelier idéal, c’est mon bureau actuel : une large planche de bois qui accueille des photos, des cailloux, des stylos, des crayons, une boîte d’aquarelle, une statuette africaine, un cachalot en plastique, des souvenirs, des dessins et des cadeaux de mes enfants, des sculptures, des fossiles, tout un bric-à-brac qui fait un peu cabinet de curiosités. Sur ma gauche, j’ai une bibliothèque remplie de carnets et de livres sur la faune et la flore. Le tout se situe sous les toits, dans la charpente de ma maison. Et la seule chose que j’aimerais changer, c’est l’emplacement de cette maison : j’aimerais bien, depuis mon velux, voir la mer, ou bien une forêt. Parce que les immeubles de la région parisienne, c’est pas franchement joli !
Nicolas Michel : Salut Estelle. Tu écris/dessines pour les enfants. Quels sont les livres de ta petite enfance qui t’ont marquée? Est-ce que tu les as encore?
Estelle Billon-Spagnol : Hello Nicolas !
Je pense à deux ouvrages qui, dès que je les feuillette, m’envoient instantanément dans mon grand lit, calée entre mon oreiller rose en forme de cœur et mon ours Jérôme.
Il s’agit d’un numéro des Belles Histoires de Pomme d’Api avec l’histoire Les boutons de Bérangère écrite par Xavier Bied-Charreton et illustrée par Jean Claverie.
L’autre est un recueil de contes par Charles Perrault avec des illustrations de Gustave Doré.
Mes premiers chocs sensoriels ! Avec eux, j’ai ressenti que les images pouvaient être vivantes, faire du bien ou remuer le cœur. Qu’elles étaient puissantes.
Nicolas Michel : J’ai lu quelque part que tu avais travaillé dans la police. Qu’est-ce qui t’a décidé de cesser d’arrêter les méchants et de plutôt écrire des livres?
Estelle Billon-Spagnol : J’ai passé mon enfance à lire tout ce que j’avais sous la main. À l’adolescence, j’ai continué et j’ai commencé à écrire. Je rêvais de vivre la vie de Jo March.
Entrer dans la police, c’était pour me confronter à la réalité, sortir de mes histoires pour être au cœur de l’humain.
Et puis un jour j’ai senti qu’il fallait que je retrouve ce qui m’animait plus jeune. Et c’est ce que j’ai fait !
Nicolas Michel : Tu dessines beaucoup de petites bestioles. Quel est ton secret pour arriver à les rendre aussi vivantes (je parle aussi des enfants!)?
Estelle Billon-Spagnol : Quand je dessine un personnage, une bestiole, un enfant, un animal, etc, je deviens ce personnage. Il est triste, alors j’ai le visage fermé. Il est joyeux, alors je souris. Je suis une éponge !
Et j’adore les illustrations qui racontent des mini-histoires presque secrètes, seulement visibles des lecteurs et lectrices qui prennent le temps de scruter.
Bibliographie sélective d’Estelle Billon-Spagnol :
- M@ sixième, roman illustré par Hortense Mariano, Didier Jeunesse (2024).
- Olbi, album, texte et illustrations, Grasset Jeunesse (2024).
- Le grand catalogue ordinaire de vrais enfants extraordinaires, album, texte et illustrations, Grasset Jeunesse (2023), que nous avons chroniqué ici.
- Coco, album, texte et illustrations, Talents Hauts (2022), que nous avons chroniqué ici.
- Le livre de ma jungle, album, illustration d’un texte d’Alice de Nussy, Grasset Jeunesse (2022), que nous avons chroniqué ici.
- Y a pas que la vie, roman, Sarbacane (2020), que nous avons chroniqué ici.
- L’invention du dimanche, roman, illustration d’un texte de Coline Pierré, Poulpe Fictions (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Lettres timbrées au Père Noël, album, illustration de textes d’Élisabeth Brami, Talents Hauts (2017), que nous avons chroniqué ici.
- La première de la classe est une extraterrestre, album, illustration d’un texte de Virginy L. Sam, De la Martinière Jeunesse (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Le destin (presque) timbré d’Étienne Durillon, roman, illustration d’un texte d’Oren Ginzburg, Grasset Jeunesse (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Clin Tiswoud, journal d’un menteur professionnel, roman illustré par Alice Morentorn, Sarbacane (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Libérez les dinos !, album, illustration d’un texte d’Ingrid Chabbert et Anne Loyer, Frimousse (2016), que nous avons chroniqué ici.
- La déclaration des droits des filles et La déclaration des droits des garçons, albums, illustrations de textes d’Élisabeth Brami, Talents Hauts (2014), que nous avons chroniqués ici.
- Grong, album, texte et illustrations, Frimousse (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Bonne nuit Eddie, album, co-écrit avec Amélie Billon-Le Guennec, Grasset Jeunesse (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Bad Lino, album, illustration d’un texte de Séverine Vidal, L’élan vert (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Les chaussettes qui puent, album, illustration d’un texte d’Ingrid Chabbert, Frimousse (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Les sœurs Tsss, album, texte et illustrations, Auzou (2013), que nous avons chroniqué ici.
- La planète des mius, album,texte et illustrations, Gargantua (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Ti-Jack, BD, scénario et dessins, Mamut (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Chiche !, album, texte et illustrations, Philomèle (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Série Jacotte, BD, dessins sur des scénarios de Géraldine Collet, Hélium (2011-2012), que nous avons chroniquée ici, là et ici.
- 5h22, roman, illustration d’un texte de Séverine Vidal, Frimousse (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Petit Lagouin, album, texte et illustrations, Talents Hauts (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Le jardin du secret, album, illustration d’un texte de Céline Lavignette-Ammoun, Philomèle (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Le petit bois du dimanche soir, album, texte illustré par Xavier Collette, Chocolat (2011), que nous avons chroniqué ici.
- À table, album, illustration d’un texte de Géraldine Collet, Philomèle (2010), que nous avons chroniqué ici.
- Mister Mok, album, texte et illustrations, Philomèle (2010), que nous avons chroniqué ici.
- La catcheuse et le danseur, album, texte et illustrations, Talents Hauts (2010), que nous avons chroniqué ici.
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Bibliographie jeunesse de Nicolas Michel :
- Oxcean, roman, Talents Hauts (2023).
- Entre mes branches, album, texte et illustrations, La Joie de lire (2022).
- Comment j’ai réparé le sourire de Nina, roman, Le Muscadier (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Les aventures extraordinaires du mousse Cristobal Speranza, roman, Magellan et cie (2019).
- Le chant noir des baleines, roman, Talents Hauts (2018).
- L’abecemer, album, texte et illustrations, Magellan et cie (2018).
- Quand le monstre naîtra, roman, Talents Hauts (2017), que nous avons chroniqué ici.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !