C’est Stéphane Sénégas que nous recevons aujourd’hui, afin de parler de La Ligne qu’il vient de sortir mais aussi de sa série Anuki. Ensuite, c’est un auteur (et pas des moindres) qui nous parle de quand il crée, Michaël Escoffier. Bon mercredi à vous !
L’interview du mercredi : Stéphane Sénégas
Pouvez-vous nous parler de La ligne votre dernier album, qui est sorti il y a quelques semaines chez Frimousse ?
La ligne c’est un livre qui parle des frontières mais pas seulement de celles qui sont physiques, mais aussi de celles que nous avons aussi dans nos têtes. Dans ce livre Frédéric montre la naissance d’un conflit et surtout son évolution. Du moment où la parole se tait, que progressivement le dialogue disparaît, alors la colère nous envahit. Ce texte pourrait très bien s’adapter pour un couple qui se sépare ou encore des pays qui se font la guerre, mais en le traitant avec des enfants nous le rendons universel et de plus nous mettons les enfants en exemple du fait que eux, ils savent s’arrêter, les adultes beaucoup moins.
C’est un livre étonnant à traiter en classe, même avec les CP, je fais une lecture à haute voix mais sans montrer les images, puis nous en discutons, puis je refais une lecture en montrant de quelle manière et pourquoi je l’ai illustré ainsi, passionnant.
Avec Frédéric Maupomé vous signez aussi, notamment, la magnifique série Anuki. Parlez-nous de votre collaboration et de la façon dont vous travaillez.
Sur la série Anuki, c’est très différent, c’est beaucoup plus collectif.
D’abord nous partons d’une idée, d’une ambiance, d’une envie, puis Fred écrit une histoire. Une fois que nous sommes OK sur l’histoire il me propose un découpage page par page, et c’est là que les problèmes commencent…
À partir de ce moment je vais donc lui proposer un storyboard, et très rapidement nous allons travailler ensemble, partager nos idées de mise en scène ce qui donne souvent naissance à de nouvelles idées, rien n’est figé. C’est une BD qui n’est pas simple à créer, nous sommes sur un très jeune public, sans texte, c’est vraiment du théâtre ou du cinéma sans paroles, c’est très très précis dans la narration. C’est certainement le moment que je préfère dans la création, puis nous nous connaissons bien, il paraît que nous sommes un vieux couple.
Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Mon parcours… je viens d’un bac littéraire art plastique, à l’époque il se nommait A3, puis l’école Émile Cohl à Lyon, et mon premier album 2 ans plus tard aux éditions Kaleidoscope « Pourquoi les libellules ont le corps si long ? » qui était un de mes projets de diplôme.
Quelles techniques d’illustrations utilisez-vous ?
Mes techniques d’illustrations varient selon les livres ou mes envies du moment, cela peut aller du crayon à papier (HB puis 2B et enfin 8B) avec une mise en couleur sous Photoshop ou encore un mix avec des crayons de couleur ou parfois tout numérique avec la Cintiq.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent ?
En ce qui concerne mes lectures d’enfant ou d’adolescent, j’ai toujours été et je le suis encore un gros lecteur de bande dessinée. Pendant mon enfance le choix des BD n’avait rien à voir avec aujourd’hui, cependant j’ai commencé avec les comics, Strange, Titan, spydey… pour basculer vers des auteurs majeurs comme Morris, Franquin, Goscinny, Uderzo…
Sur quelle nouvelle histoire travaillez-vous actuellement ?
Actuellement je travaille sur beaucoup de livres.
Tout d’abord nous sortons ce mois-ci, avec Frédéric un nouvel album chez Frimousse, On l’a à peine remarqué.
Puis je travaille sur le tome 9 d’Anuki qui sortira à la rentrée. Puis j’ai 3 livres en préparation, en solo. Et enfin Frédéric travaille aussi sur un nouveau projet BD mais pour un public ado-adulte.
Bibliographie sélective :
- On l’a à peine remarqué, illustration d’un texte de Frédéric Maupomé, Frimoüsse (à paraître, mars 2019).
- Série Anuki, coécrit avec Frédéric Maupomé, Les éditions de la gouttière (2011-2019), que nous avons chroniqué ici.
- La ligne, illustration d’un texte de Frédéric Maupomé, Frimoüsse (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Le chevalier blanc, illustration d’un texte de Michaël Escoffier, Frimoüsse (2017).
- La Déclaration, , Kaléidoscope (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Mon père, chasseur de monstre, texte et illustrations, De la Martinière Jeunesse (2015).
- Le chevalier noir, illustration d’un texte de Michaël Escoffier, Frimoüsse (2014), que nous avons chroniqué ici.
- L’Enfant qui n’aimait pas les livres, illustration d’un texte de Martin Winckler (2014).
- Y’a un monstre à côté, illustration d’un texte d’Ingrid Chabbert, Frimousse (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Le pêcheur et le cormoran, texte et illustrations, Kaléidoscope (2013).
- L’éphémère, texte et illustrations, Kaléidoscope (2007).
Quand je crée… Michaël Escoffier
Le processus de création est quelque chose d’étrange pour les gens qui ne sont pas créateur·trice·s eux-mêmes. Comment viennent les idées ? Et est-ce que les auteur·trice·s peuvent écrire dans le métro ? Les illustrateur·trice·s, dessiner dans leur salon devant la télé ? Peut-on créer avec des enfants qui courent à côté ? Faut-il de la musique ou du silence complet ? Régulièrement, nous demandons à des auteur·trice·s et/ou illustrateur·trice·s que nous aimons de nous parler de comment et où ils·elles créent. Cette semaine, c’est Michaël Escoffier qui nous parle de quand il crée.
Où commence la création ? Elle naît parfois d’un détail, d’un mot volé, d’une situation, autour de laquelle l’imagination va cristalliser. L’inspiration se nourrit de l’expérience, de la confrontation au monde physique, de l’exceptionnel toujours renouvelé du quotidien. En ce sens, la rue est mon terrain de jeu, la nature mon bureau, le monde ma chambre de création. Tout au long de la journée, je note mes idées dans des carnets.
Et puis, une fois ces petites graines récoltées, il faut s’asseoir et les examiner au microscope. Certaines se révèlent n’être que des grains de poussières stériles. D’autres au contraire sont pleines de promesses. Vient le temps de l’isolement, du silence, de l’immersion au cœur du magma intérieur. Pour cela, j’ai besoin d’un scaphandre, d’une bulle.
Lorsque je me suis assuré que j’ai plusieurs heures devant moi, que personne ne me dérangera, que les affaires courantes sont réglées, j’entreprends avec excitation, à la manière d’un archéologue, de découvrir quel trésor mes petites graines peuvent bien déceler.
Je travaille sur ordinateur, pour la souplesse que cela me procure. Car lorsque je commence une nouvelle histoire, je ne sais jamais où je vais. Sinon, ce serait sans intérêt. J’essaie tous les chemins possibles, je me trompe, je reviens en arrière, j’emprunte une autre voie. C’est une lutte permanente pour tenter de libérer l’imagination des stéréotypes, de la facilité, de l’évidence. Avec cette impression étrange que l’histoire que je suis en train d’écrire existe déjà, que je n’ai qu’à la déterrer.
Souvent j’échoue. Je ne parviens pas à extraire le meilleur de mes petites graines. Je me rends compte que certaines idées n’étaient pas si bonnes que ça. Ou que je me suis égaré en route. Pour un livre comme La tarte aux fées, par exemple, j’avais écrit une première histoire complètement différente de celle publiée. Kris Di Giacomo l’avait illustrée, et nous allions l’éditer. Et puis en prenant du recul, nous nous sommes aperçus que l’histoire n’était pas à la hauteur de la promesse du titre. Nous sommes donc repartis à zéro. J’ai réécrit une nouvelle histoire, et Kris a refait l’ensemble des illustrations.
Mais mon travail ne s’arrête pas à l’écriture du texte. J’aime accompagner les illustrateurs et les illustratrices avec lesquels je collabore. Nous échangeons beaucoup sur les projets. Nous cherchons ensemble des idées graphiques, et nous faisons aussi évoluer le texte au fur et à mesure que les images naissent. Je recherche toujours l’économie de mots. Si je me rends compte qu’une phrase n’est pas indispensable, autant s’en passer. Images et texte doivent être complémentaires. Je suis capable d’enlever et de remettre une virgule à la même place vingt fois de suite, ou de changer une scène quelques jours avant que le livre parte chez l’imprimeur. Après, c’est trop tard. Je n’ai plus aucun pouvoir sur le livre, il part vivre sa vie, et moi je glisse une nouvelle petite graine sous l’objectif de mon microscope.
- Princesse Kevin, album illustré par Roland Garrigue, P’tit Glénat (2018), que nous avons chroniqué ici.
- J’ai perdu ma langue, album illustré par Sébastien Mourrain Seuil Jeunesse (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Le monstre est de retour, album illustré par Kris Di Giacomo, Gallimard Jeunesse (2018), que nous avons chroniqué ici.
- La Déclaration, album illustré par Stéphane Sénégas, Kaléidoscope (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Un enfant parfait, album illustré par Matthieu Maudet, l’école des loisirs (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Le gardien des océans, album illustré par Antoine Guilloppé, Gautier Languereau (2016) que nous avons chroniqué ici.
- Au voleur, album illustré par PisHier, Les 400 coups (2016) que nous avons chroniqué ici.
- Grododo, album illustré par Kris Di Giacomo, Frimoüsse (2016) que nous avons chroniqué ici.
- Ce n’est pas l’histoire, album illustré par Amandine Piu, Frimoüsse (2016) que nous avons chroniqué ici.
- On verra demain, album illustré par Kris Di Giacomo, Frimoüsse (2014) que nous avons chroniqué ici.
- Ouvre-moi ta porte, album illustré par Matthieu Maudet, L’école des loisirs (2014) que nous avons chroniqué ici.
- Le chevalier noir, album illustré par Stéphane Sénégas, Frimoüsse (2014) que nous avons chroniqué ici.
- La maîtresse vient de Mars, album illustré par Clément Lefèvre, Frimoüsse (2014) que nous avons chroniqué ici.
- L’anniversaire, album illustré par Kris di Giacomo, Kaléidoscope (2013) que nous avons chroniqué ici.
- La croccinelle, album illustré par Matthieu Maudet, Frimousse (2013) que nous avons chroniqué ici.
- Le ça, album illustré par Matthieu Maudet, L’école des loisirs (2013) que nous avons chroniqué ici.
- Trois petits riens, album illustré par Kris di Giacomo, Balivernes (2013) que nous avons chroniqué ici.
- Le jour où j’ai perdu mes super pouvoirs, album illustré par Kris di Giacomo, Kaléidoscope (2013) que nous avons chroniqué ici.
- Zizi, Zézette, mode d’emploi, album illustré par Séverine Duchesne, Frimousse (2012) que nous avons chroniqué ici.
- 20 bonnes raisons d’aller à l’école, album illustré par Romain Guyard, Frimoüsse (2012) que nous avons chroniqué ici.
- Bonjour facteur, album illustré par Matthieu Maudet, L’école des loisirs (2012) que nous avons chroniqué ici.
- Sans le A, album illustré par Kris di Giacomo, Kaléidoscope (2012) que nous avons chroniqué ici.
- Vacances à la ferme, album illustré par Nicolas Gouny, Balivernes (2011) que nous avons chroniqué ici.
- Le moustoc, album illustré par Matthieu Maudet, Frimousse (2011) que nous avons chroniqué ici.
- 20 bonnes raisons de croire au Père Noël, album illustré par Romain Guyard, Frimoüsse (2010) que nous avons chroniqué ici.
- Moi d’abord !, album illustré par Kris Di Giacomo, Frimoüsse (2010) que nous avons chroniqué ici.
- Le grand lapin blanc, album illustré par Eléonore Thuillier, Kaléidoscope (2010) que nous avons chroniqué ici.
- Bonjour docteur, album illustré par Matthieu Maudet, L’école des loisirs (2010) que nous avons chroniqué ici.
- La plume, album illustré par Nicolas Gouny, Frimousse (2009) que nous avons chroniqué ici.
- Tous les monstres ont peur du noir, album illustré par Kris di Giacomo, Frimousse (2008) que nous avons chroniqué ici.
Retrouvez Michaël Escoffier sur son blog : http://www.michaelescoffier.com.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !